Florence Pugh Don't Worry Darling
Warner Bros.

L’actrice anglaise s’est rendue indispensable à Hollywood en même pas six ans. Retour sur une ascension phénoménale.

Révélée en 2016 avec The Young Lady de William Oldroyd, l’Anglaise Florence Pugh - prononcez « piou » - s’est retrouvée en moins de six ans tout en haut de la chaîne alimentaire hollywoodienne. Un parcours éclectique, ponctué de folk horror (Midsommar), de drames en costumes (Les Filles du docteur March, Outlaw King : Le Roi hors-la-loi), de séries prestige (The Little Drummer Girl), de marveleries (Black Widow, Hawkeye) et de stories Instagram depuis sa cuisine (jusqu’à se faire inviter par Paddington lui-même à manger des sandwiches à la marmelade). « Mes actrices préférées ont toujours été celles dans lesquelles je me reconnaissais et pouvais donc me projeter. C’est vers ça que je veux tendre. Or j’ai la chance d’arriver à un moment où Hollywood se rééduque et où apparaissent des personnages féminins de plus en plus variés. C’est encore loin d’être parfait et il faut rester vigilant mais les choses avancent vraiment dans le bon sens », nous confiait-elle en 2019. Alors qu’elle est aujourd’hui à l’affiche de Don’t Worry Darling d’Olivia Wilde (l’histoire d’une communauté isolée dans le désert californien dans les années 50, et d’une femme au foyer qui questionne sa réalité), retour sur les cinq moments qui ont fait d’elle une star incontournable. Et peut-être la meilleure actrice de sa génération.

L’audition de The Little Drummer Girl

Adaptation du roman de John Le Carré, The Little Drummer Girl raconte l’histoire de Charlie, une actrice anglaise recrutée par un groupe d’espions israéliens afin d’infiltrer une cellule terroriste palestinienne. Mis en scène par le génial Park Chan-Wook, la série déploie ses mouvements de caméras affolants et ses costumes sublimes avec virtuosité. Mais le show est surtout une masterclasse, une scène offerte à cette actrice géniale (22 ans à l'époque) qui rend la complexité d’un personnage (é)perdu. Pugh doit incarner à la fois la soumission et la détermination absolue ; la sexualité et la naîveté presque enfantine ; le froid calcul stratégique et l’irrépressible instinct. Dans le premier épisode, Kurtz, son officier traitant joué par Michael Shannon, lui promet le rôle de sa vie - en réalité il aurait pu s’adresser à Pugh. Tout cela est concentré dans une séquence d’anthologie, celle de l’audition. Devant Kurtz, elle va prouver à ce dernier qu’elle maîtrise parfaitement l’art de la fiction – le fait de flouter la frontière entre le réel et le mensonge, entre la performance et la sincérité. Elle passe du vrai au faux, de l’émotion feinte à l’authentique sensation avec une même crédibilité… Il faut voir, un peu plus tard dans la série, comment lorsqu’on lui demande pour qui elle travaille, Charlie répond « Je suis une actrice ! ». Après Lady Macbeth,  une étoile était née.


 

La scène finale de Midsommar

Quoi qu’on pense de Midsommar, évoquer son nom revient inlassablement à convoquer l’image mentale de Florence Pugh, cernes XXL et robe à fleurs, hurlant à la mort devant les flammes. Et à travers cet ultime gros plan sur son sourire d’une ambiguïté folle - on y lit tout, la libération et l’emprisonnement mental à la fois -, l’actrice semble éclore une nouvelle fois. Au-delà de la remise à jour de la folk horror, des décors à peine croyables et de la virtuosité d’Ari Aster, Midsommar pourrait se résumer aux subtiles variations dans les traits de Pugh, métrage qu’elle porte d’ailleurs sur ses épaules dès les premières minutes. Alors même qu’elle nous avouait avoir « toujours fui les films d’horreur comme spectatrice. Je n’avais pas envie qu’ils entrent dans ma tête. » Elle en est désormais le visage.


 

Sa nomination à l’Oscar 

« Avant le moment… Le moment exact. #nommée #pourunputaindoscar ». En janvier 2020, Florence Pugh s’amuse sur Instagram de sa nomination à l’Oscar du Meilleur second rôle pour sa prestation dans Les Filles du docteur March de Greta Gerwig. Elle y incarne la plus jeune soeur March, orgueilleuse et capricieuse. « Mais j’ai toujours adoré les enfants gâtés et les pestes », assurait-elle à Première. J’ai voulu donner une voix à son ambition, celle d’échapper à une existence toute tracée et à périr d’ennui. C’est à l’aune de cela qu’il faut lire ses faits et gestes. » Elle repartira finalement bredouille de la cérémonie (Laura Dern lui a piqué la statuette), mais l’essentiel n’est pas là : Pugh est sur la voie de la reconnaissance officielle, à la fois anecdotique - qui se soucie encore vraiment des Oscars dans le grand public ? - et essentielle pour naviguer dans l’industrie. Le nom Pugh devient une marque, synonyme de glamour et d’authenticité. Bankable ?

Son casting chez Marvel

Mars 2019. Variety annonce que le prochain film Marvel, Black Widow, ajoute à son casting Florence Pugh, qui donnera donc la réplique à Scarlett Johansson pour ses adieux au MCU. Son premier blockbuster et le début d’une nouvelle ère pour l’actrice, qui a pourtant failli louper le rôle : il se murmure que Marvel penchait pour quelqu’un d’autre, mais que les critiques extrêmement positives sur sa prestation dans Une famille sur le ring (comédie de Stephen Merchant sur le catch où elle est effectivement exceptionnelle, même si le film est passé complètement inaperçu chez nous) ont ramené le studio vers elle. Black Widow est un four artistique - et une déception au box-office -, mais Pugh parvient quand même à tirer son épingle du jeu et à assoir définitivement sa staritude. Suivra ensuite la série Hawkeye en 2021, où elle reprend le rôle de Yelena Belova, puis Thunderbolts en 2024. Et cette fois, c’est elle qui sera le personnage principal. Ouais, définitivement bankable.


 

La Mostra de Venise 2022 

On ne vous fera pas l’affront de vous (re)raconter en détail le bordel incroyable dans les coulisses de la promo de Don’t Worry Darling (vous trouverez un excellent résumé ici), mais Florence Pugh a brillé par sa quasi absence à la Mostra de Venise, où le film d’Olivia Wilde avait pourtant droit à sa première mondiale. L’actrice a refusé de participer à la conférence de presse (soi-disant par manque de temps) et s’est contentée d’un passage éclair sur le tapis rouge. Pas un mot aux journalistes, toujours une personne pour faire tampon avec la réalisatrice Olivia Wilde sur les photos de groupe du casting… Ambiance glaciale et embrouilles d’ego comme il n’en arrive qu’aux stars. À travers cette présence a minima, Pugh affirmait aussi sa singularité et son caractère dans un système qui écrase plus qu’il n’élève. En 2019, alors qu’on évoquait avec elle les injonctions au conformisme des studios, elle nous lâchait ceci : « Si vous ne savez pas vraiment quelle comédienne vous êtes et ce que vous avez envie de montrer et de défendre, Hollywood vous dévorera tout cru en vous pliant à ses désirs du moment. Je me suis juré de ne plus y retourner sans avoir toutes ces certitudes en tête. »


 

Bonus : le futur de Florence Pugh

Courtisée par à peu près tout le monde, Florence Pugh a quelques très gros projets dans ses cartons pour l’année à venir. Il y aura un peu de doublage dans Le Chat Potté 2 : La Dernière Quête, le drame A Good Person de son ex Zach Braff (l’histoire d’une jeune femme dont la vie est bouleversée quand elle est victime d’un grave accident de voiture, auquel son fiancé succombe, et qui tisse des liens forts avec celui qui aurait dû devenir son beau-père)… Mais ce sont surtout trois gros morceaux qui nous intéressent : Pugh sera le 16 novembre prochain à l’affiche de The Wonder, sur Netflix, réalisé par Sebastián Lelio (Une Femme fantastique) : le scénario se déroule en 1862, en Irlande, où une infirmière anglaise, Lib Wright, est convoquée dans un minuscule village pour observer ce que certains prétendent être une anomalie médicale ou un miracle - une jeune fille qui aurait survécu sans nourriture pendant des mois.

Puis, le 19 juillet 2023, Christopher Nolan la dirigera dans son biopic du père de la bombe atomique, Oppenheimer, lui offrant le rôle de Jean Tatlock, ancienne compagne du physicien (joué par Cillian Murphy). Enfin, le 15 novembre de la même année, elle enchaînera chez Denis Villeneuve pour Dune : Part 2, suite de la franchise adaptée des romans de Frank Herbert, où elle jouera la princesse Irulan. Qui d’autre que Pugh aurait pu réussir le doublé Nolan/Villeneuve ?

Don't worry darling : Florence Pugh étincelante au coeur d'une fable convenue [critique]