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Winter’s bone est une chronique âpre et violente du quotidien des hillbilies, un film qui oscille entre néoréalisme et brutalité sauvage. Réalisé par Debra Granik et mettant en scène une révélation lumineuse (Jennifer Lawrence), Winter's Bone mérite d'être (re)vu en DVD. Et voilà 6 bonnes raisons1/ L'incroyable Jennifer LawrenceSortie de nulle part (une panouille dans Loin de la terre brulée), Jennifer Lawrence trouvait ici le rôle de sa vie. Un rôle sauvage, dans laquelle son aura de gamine red neck enflamme la campagne du Sud et met le feu aux poudres. Accent hillbily, gueule fermée, manteau élimé et détermination à toute épreuve : jamais une actrice n’avait à ce point transcendé un premier rôle. On l’a peut-être vu depuis dans X-Men mais pour elle, le vrai commencement c’était Ree Dolly, un personnage qui va forcément lui coller aux Caterpillar.2/  La mise en scène impressionnisteDebra Granik. Retenez bien ce nom. Après un premier long passé sous le radar, Winter's Bone impose son talent. La clé de son film impresionniste réside dans la manière dont elle filme les paysages, véritables reflets des tourments des personnages. Arides, sauvages et rugueux : filmée avec une sensibilité à fleur de peau et, paradoxalement, de manière hyperréaliste, la contrée ricaine devient sous l'oeilleton de Granik une véritable géographie des sentiments. Elle  réussit surtout à créer un espace fantasmatique entre le conte de fées et la pure mythologie, à des années lumières de ce que le cinéma redneck avait l'habitude de nous proposer.3/ John HawkesActeur de télé dément (il est dans toutes les meilleures séries : Lost, Deadwood...), musicien de Country réputé, il joue ici l'oncle de Ree. Sur le fil, il donne l'impression que son personnage peut basculer à tout moment. Très grosse intensité, énorme déchaînement de violence, il vampirise la meilleure scène du film. La confrontation avec le sheriff local, une arme à portée de main. A travers un seul jeu de regard, Hawkes fait monter la tension...  4/ Le buzz (et les Oscars)Présenté à Sundance il y a deux ans, le film a rendu ivre de bonheur toute la crème du cinéma indie US, papy Redford en tête. Arrivé en juillet aux US, les critiques s'en emparent et portent le film au panthéon. L'emballement s'accroit lorsque Winter's Bone se retrouve dans la course aux Oscars. Le film se retrouve dans 4 catégories : meilleure actrice (Jennifer Lawrence), meilleur acteur dans un second rôle (John Hawkes), meilleure adaptation et meilleur film, face aux cadors Black Swan, Inception et The social network. L'Académie laisse le film repartir bredouille, mais sa réputation est acquise.  5/ L'adaptationAdapté du roman de Daniel Woodrell, Winter’s bone réussit à capter l'essence de ce roman atypique. Entre le fantastique et le pur roman noir, Woodrell y décrivait le sort minable des laissés-pour-compte du rêve américain. Avec rudesse et tendresse, de manière bourrue et poétique, l'écrivain parvenait surtout à leur redonner dignité. Exactement ce que parvient à faire le film grâce à la manière dont Granik filme...6/ Les gueulesPersonnages flippants, décrépis, avinés : son bestiaire de ploucs est effrayant, mais terriblement humain. Sans doute parce que Granik n'utilise aucun artifice (pas de maquillage), mais surtout parce qu'elle les filme de manière quasi-bergmanienne. Elle sanctuarise le visage de ses personnages, captant leur âme et leur violence. Magnifique !