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 Ca va finir par faire beaucoup : une sourde (Emmanuelle Devos dans Sur mes lèvres), une pianiste qui ne parle pas français (Lin Dan Pham dans De Battre...) et une amputée (Marion Cotillard dans De Rouille et d’os)... Dans un festival qui a commencé avec une polémique "barbante" et paritaire, Jacques Audiard pourrait facilement jouer le rôle du grand méchant loup macho.Si depuis le début, le cinéaste regarde les hommes tomber, les femmes dans ses films sont déjà à terre. Abîmées, cassées, incomprises et surtout, surtout, jamais héroïnes... Au fond, la question fondamentale de son cinéma c’est la constitution du héros. Comment passe-t-on de l’enfant qu’on était à l’homme qu’on n’est pas encore ? Comment s’affranchit-on du père ? Et c’est quoi la virilité (la plus belle séquence de son nouveau film) ? Dans ce contexte, les meufs ne seraient que des accessoires ébréchés. Cotillard a beau nous expliquer que Audiard “filme les hommes avec un regard de femme et les femmes avec un regard d’homme”, De Rouille et d’os semble pousser la logique univoque dans les extrêmes : le personnage était, dans la nouvelle de Craig Davidson, un mec. Pire, un homme qui ne perdait qu’une seule jambe. Et contrairement à ce que vend la promo (et l'horrible bande-annonce), le vrai héros du film n’est pas la Môme Marion, mais la tête de taureau Matthias Schoenaerts, boxeur angélique au sens dostoievskien (c'est-à-dire naïf, pur, sans surmoi). Un mec un vrai qui va devoir faire la paix avec lui-même. C’est avec lui que s’ouvre le film. C’est avec lui qu’il se ferme.Pourtant, il y a comme une fissure... D’abord, et pour la première fois, Audiard aborde en territoire mélo. Fini le polar, la prison (genres couillus) De Rouille et d’os fait chialer à plusieurs reprises, assume ses vibrations humaines et sa densité sensuelle...  Et puis, Cotillard n’est peut-être pas le centre du film, mais elle en est le carburant. C’est son énergie, sa poésie froissée qui booste le film et qui le met sur les rails. De Rouille et d'os mine de rien oblige à se poser la question autrement. Si les personnages masculins des films sont à la recherche d’amour, ses personnages féminins servent à la rédemption - la professeur de piano dans De battre, le personnage d’Emmanuel Devos dans Sur mes Lèvres. En creux, les femmes d’Audiard révèlent le héros, les guident vers la lumière dans un monde clair-obscur. Au fond, Thomas Bidegain a peut-être raison : le vrai héros ce n’est ni Cotillard, ni Schoenaerts, “le vrai héros du film, c’est l’amour”. La révolution Audiard a commencé. Ni masculine, ni féminine : à deux !Gaël GolhenBande-annonce du film : EXCLU - Marion Cotillard commente son retour en FranceREVIEW - De rouille et d'os : le premier choc du festival !Suivez toute l'info cannoise sur notre dossier spécial avec Orange Cineday