Highwayman Films / Caviar

Révélée voilà deux ans par Les chansons que mes frères m’ont apprises, la réalisatrice sino-américaine signe avec The rider le portrait bouleversant d’une étoile montante du rodéo tentant de trouver un nouveau sens à sa vie après un accident.

Quand est née l’idée de The rider ?

Chloé Zhao : Au cours de l’été 2015, lors d’une visite dans un ranch de la réserve indienne de Pine Ridge, où j’avais tourné Les chansons que mon frère m’a apprises. Et plus précisément en rencontrant Brady Jandreau, dresseur et adepte de la discipline du cheval sauvage. J’ai d’abord été saisi par son charisme puis par cette relation de confiance réciproque qu’il sait tisser avec les chevaux. J’ai donc eu envie d’inventer une histoire autour de lui et de le diriger. Mais les mois passaient et je ne trouvais rien d’assez fort. Et puis, un soir, il a été victime d’un terrible accident : un cheval s’est cabré, l’a projeté en avant et lui a piétiné son crâne. Plongé dans le coma trois jours, il a failli mourir et vit depuis avec une plaque de métal dans la tête et une épée de Damoclès au- dessus de lui : tout nouveau choc à la tête pourrait lui être fatal. Les médecins lui ont donc fortement déconseillé de remonter sur un cheval. Et ce drame terrible a constitué un déclic pour moi. J’ai souhaité raconter l’impact de telles blessures sur des jeunes hommes comme lui. Avec cette idée de quelqu’un prêt à risquer sa vie pour ne pas perdre son identité. Soit rien d’autre finalement qu’un film classique de super- héros qui a perdu ses super- pouvoirs et essaie de les retrouver ! (rires)

Comment a-t-il réagi quand vous lui en avez parlé pour la première fois ?

Il m’a juste dit OK et ça n’a pas semblé le bouleverser plus que ça. Parce qu’il connaissait mon travail : beaucoup de ses amis ont joué dans mon premier film, Les chansons que mes frères m’ont apprises. Même son père y fait une apparition lors d’une scène de rodéo. Il était donc en terrain familier avec moi

Une fois encore, comme pour votre premier long, vous travaillez donc avec des gens qui ne sont pas comédiens…

Oui mais l’expérience fut un peu différente. Cette fois- ci, j’ai écrit mon scénario avec mes personnages – et donc ceux qui allaient jouer leurs propres rôles - en tête. Et, sur le plateau, The rider fut tourné de manière plus classique que Les chansons que mes frères m’ont apprises. On avait un peu plus de moyens donc on a pu faire un peu plus de prises, laisser moins de place à la pure improvisation. Par contre, je n’ai pas changé ma méthode de travail avec mes comédiens. Je ne fais toujours pas de répétition par exemple par peur de perdre du naturel. On discute juste ensemble du passé de leurs personnages.

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Vous êtes-vous sentie plus en confiance sur ce plateau ?

J’ai tellement appris de mes erreurs sur mon premier film dont je suis fier mais en sachant qu’avec un peu plus de temps et d’expérience, j’aurais pu aller justement plus loin avec mes acteurs. Obtenir plus de choses d’eux. Ici, avoir l’opportunité de multiplier les prises m’a permis d’aller au bout de chaque situation écrite dans mon scénario.

Dans vos deux films, on retrouve ce même goût pour les grands espaces américains… alors que vous êtes née à des miliers de kilomètres de là, à Pékin…

Je ne me vois absolument pas réaliser de films dans une ville. Sans doute parce que j’y ai passé la plus large partie de ma vie, entre Pékin ou New- York où j’ai appris le cinéma à la fac. Aujourd’hui, je ne rêve dans ma vie personnelle que de nature et de grands espaces. Et comme faire un film prend plusieurs années, j’ai besoin de me situer au cœur d’un endroit qui me nourrit et m’apaise. D’où ma recherche de cette interaction avec la nature dans mes longs métrages.

Comme votre premier long, The rider a été sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs. Et quelques mois plus tard, vous avez décroché le Grand Prix du festival de Deauville. La France entretient décidément un rapport amoureux avec votre cinéma…

Je dois en effet le fait de pouvoir faire des films à la France et à l’accueil que j’y ai reçu. Cela m’a ouvert des portes. Et je suis forcément touchée que ces films sur l’Amérique profonde signés par une réalisatrice née en Chine puissent parler au public français. Cela me conforte dans le côté universel que j’entends donner à mes sujets sur le papier si spécifiques.

Quels sont vos films français préférés ?

J’adore De Rouille et d’os de Jacques Audiard que j’ai de nouveau regardé voilà peu de temps.  Mais à la fac de cinéma, j’avais aussi étudié tous vos classiques de la Nouvelle Vague…

Est-ce que vous avez déjà un nouveau film en vue ?

Je travaille sur plusieurs films en parallèle. Un western, un récit dont l’action se déroule dans le futur mais le projet le plus avancé est un road movie au cœur des Etats- Unis. On verra si ce sera bien le prochain…