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 La théorie du complexe d'Oedipe offre une formule frappante que l'on peut transposer (avec un peu d'exagération, on vous l'accorde) à l'actualité cannoise. En quelques  jours, deux fils de grands cinéastes ont présenté leur film à Cannes. Sauf que le premier a réussi, au fil des réalisations, à faire oublier la comparaison avec le travail de son père : pas besoin de faire référence à Michel Audiard pour parler des longs-métrages de Jacques. Le fils a su imposer son style : loin de dialogues cultes de son père, resté davantage célèbre pour ses tirades que pour sa mise en scène, Jacques Audiard a d'emblée misé sur les sujets choc (le handicap, la prison, l'héroïsme...). Ses plans sont très travaillés, certains de ses montages sont si frappants qu'ils restent gravés dans la mémoire des spectateurs.Dans son cas, on peut dire qu'il a réussi à "tuer le père" et à s'imposer comme un artiste unique.Bande-annonce de De rouille et d'os : Ce n'est pas encore le cas de Brandon Cronenberg, qui présente son premier long-métrage aujourd'hui, Antiviral. Loin de vouloir échapper à la comparaison avec le travail de son père, le jeune homme propose un film dans la même veine que ceux de David Cronenberg. Comme lui à ses débuts, il mélange expériences scientifiques et horreur, s'offrant même le luxe d'aborder le sujet de la célébrité. Dans Antiviral, il suit un jeune chercheur qui profite d'une nouvelle mode des plus malsaines : il accepte d'injecter à ses riches patients les maladies de leurs stars préférées. Un trafic qui va finir par se retourner contre lui le jour où il va par erreur s'injecter le virus d'une célébrité... et être traqué par des fans prêts à tout pour l'attraper. Il n'est pas le seul enfant de cinéaste à avoir choisi comme thème important la célébrité, Sofia Coppola tournant autour du sujet depuis le début de sa carrière. Voilà d'ailleurs un bon exemple de réalisatrice qui est parvenue à se détacher du cinéma de son père. Dès son premier film, Virgin Suicides, elle imposait son goût pour le cinéma contemplatif, mené par des personnages qui s'ennuient. Elle n'a cessé depuis d'imposer cette marque de fabrique, alors que comme tout enfant de cinéaste reconnu, elle était attendue au tournant. Et en choisissant de traiter du sujet de la célébrité en étant la fille d'un grand cinéaste, Sofia augmentait d'autant plus la tentation de comparer son travail à celui de son père.  Cette année, à Cannes, on retrouvera un autre fils de, mais hors compétition : Alexandre Aja est co-scénariste et producteur du remake de Maniac, le film d'horreur culte des années 80. S'il a confié la réalisation du film à Franck Khalfoun, il est véritablement à l'origine du projet. Là aussi, on peut dire qu'Aja parvient à faire oublier qu'il est le fils d'Alexandre Arcady. Le pseudonyme a dû aider, mais il n'y a pas que ça : contrairement à son père, qui a démarré sa carrière en signant un film en grande partie autobiographique, Aja s'est tout de suite tourné vers le cinéma d'horreur, devenant un spécialiste des remakes réussis (La colline a des yeux, Piranha 3D).En parlant d’horreur, ce soir, c’est un "père de" qui dévoilera son nouveau film sur la Croisette, hors compétition : Dario Argento va présenter son Dracula 3D, en compagnie de Quentin Tarantino, qui viendra rendre hommage au maitre du "Giallo". Reste que le cinéaste a considérablement perdu son "mojo" depuis une dizaine d’année, cumulant les réalisations ratées (Card Player, Giallo), qui sortent directement en DVD en France. Pour la jeune génération, sa fille Asia est plus célèbre que lui, du moins en tant qu’actrice. Sa réalisation Le livre de Jérémie n’a pas reçu un grand succès.Dans Dracula 3D, ils sont réunis, comme au bon vieux temps, le père offrant un rôle important à sa fille. Dario ravira-t-il enfin les fans de cinéma d’horreur avec ce film ? Il sera en tout cas soutenu par Asia, qui, au sein de sa carrière éclectique, est souvent revenue tourner sous sa direction. En fait, Asia Argento ne cherche pas à "tuer le père", elle a trouvé un juste milieu : elle se replonge régulièrement dans son univers, puis se consacre à des projets plus personnels, où l’on ne ressent pas du tout l’influence de ce dernier.On saura dans quelques heures, avec les premières critiques d'Antiviral, si Brandon Cronenberg a déjà trouvé son propre style, ou si, comme le pitch de son film le laisse penser, il cherche à s'inscrire dans la continuité du travail de son père. Pour ce cas précis, on pourrait plutôt parler de "reprise de flambeau", David Cronenberg n'ayant pas réalisé de film horrifique depuis des années. Son évolution est d'autant plus marquante au moment où Brandon sort son premier film. Cosmopolis ne s'annonce pas du tout dans la même veine qu'Antiviral.Bande-annonce de Cosmopolis : Suivez toute l'actu cannoise sur notre dossier spécial avec Orange Cinéday