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Dragons 2 sera diffusé demain soir sur France 2 à partir de 20h55.

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Avant la sortie de Dragons 2, durant l'été 2014, Première avait rencontré son metteur en scène Dean De Blois. La conversation avec le réalisateur s'est avérée passionnante. A ne pas manquer avant de (re)voir le cette suite très réussie sur le petit écran.

Dean, on est d’accords : ça n’avait pas de sens de faire une suite à Dragons… Je vois ce que tu veux dire. Et c’est vrai que le premier Dragons forme une histoire complète. On aurait pu s’arrêter là.

C’est surtout que le premier film était un prototype. Un film pirate réalisé au sein d’un studio plus versé dans la comédie que l’émotion pure. Pas faux. Mais on a toujours gardé, au fond de nous, l’idée que, si ça marchait, on pourrait faire une suite. Avec plus de moyens. Nous, comme les boss de Dreamworks d’ailleurs. C’est la tradition et chaque studio essaie de constituer une franchise à partir de chaque nouveau film… Quand Dreamworks a acheté les droits du livre, ils avaient dans l'idée d'en faire une saga, suivant en cela l'architecture des romans…

Dragons 2 est un chef d'oeuvre absolu de l'animation

Il y a un « mais » là, non ? Oui. (rires) Mais très vite, Jeffrey a voulu prendre certaines libertés avec le livre. On n’a donc gardé que le nom du héros, le monde des dragons, et changé tout l’univers pour lui donner plus d’ampleur et d’épaisseur. C’est à ce moment que Chris et moi sommes arrivés. On a effectué beaucoup de changement par rapport aux livres : on a par exemple redesigné Krokmou - dans le livre il parle et il a la taille d’un chien. Et puis on a fait d’Harold le premier viking à dompter les dragons… On a aussi mis de côté certains éléments. Comme tout le background de la mère.

C’est-à-dire ? Dans notre film elle disparaissait et on la pensait morte. Dans le livre, elle était toujours absente, partie dans des raids vikings. On savait toujours où elle était. Tout ça pour dire que, à la fin du premier film, Chris, moi et le studio, nous avions le sentiment d’avoir suffisamment pris nos distances avec le livre pour partir dans les directions qu’on voulait. Et imaginer une suite.

Mais quel fut le moteur créatif pour l’épisode 2 ? Une chose que m’a dite Cressida, l’auteure du livre : elle tenait à expliquer pourquoi les dragons disparaissent. Pourquoi il n’y en a plus à la surface de la terre. Et je me suis dit que c’était une belle idée. Très cool. Et que, même si nous avions changé beaucoup de choses dans ses histoires, cette fin-là méritait d’être adaptée. Quand on m’a demandé de proposer une idée pour la suite, j’ai proposé le retour de la mère et la hiérarchie des dragons. Et j’ai posé une condition : je ne ferais la suite que si c’est une trilogie.

La sortie de Dragons 3 est repoussée d'un an

Ce qui est frappant, c’est la manière dont vous élargissez le scope. Plus d’émotion, plus de moments spectaculaires, plus de détails… Dès le début, j’ai repensé aux sequels qui m’avaient marqué enfant, et L’Empire contre-attaque s’est tout de suite imposé. Parce que le film reprenait tout ce que j’aimais dans Un Nouvel Espoir pour le rendre plus riche, plus complexe, plus grand. Les personnages étaient plus fouillés ; la sensation de découverte s’étoffait. Même les costumes et les gadgets étaient plus cools. J’ai été voir Jeffrey Katzenberg et Bill Damaschke pour leur dire que je voulais retrouver le ton de ce film. Ce que j’aime dans Star Wars V, c’est qu’il s’adresse aussi bien aux jeunes spectateurs qu'aux adultes. Dragons 2 était l’occasion d’aller contre l’idée (très répandue aux US) que l’animation est un genre réservé aux enfants. Précisément ce qu’avait fait Lucas avec la SF et le space opera.

Ce qui est aussi très beau, c’est que vous approfondissez la relation hommes/dragons. Ils deviennent comme l’incarnation de l’inconscient des vikings qui les montent… Oui. On montre ça clairement dans deux scènes spécifiques : quand Valca voit Stoik pour la première fois depuis 25 ans, son dragon s’approche d’elle et l’entoure, comme une manifestation très concrète de son anxiété. Et quand il l’embrasse, elle se remet à respirer et le dragon s’écarte. A ce moment, le dragon est effectivement l’incarnation de ce que les personnages ressentent profondément…

Comme les handicaps des dragons qui reflètent ceux des personnages Oui… cette gémellité est au cœur de la trilogie. Dragons, au fond, ça ne raconte que la relation entre Harold et Krokmou. Au début de ce deuxième épisode, ils sont amis et je voulais mettre cette amitié à l’épreuve. Mais comment ? J’ai pensé que Krokmou pouvait tuer quelqu’un de proche d’Harold…

Wow wow wow pas de spoilers ! Pas d’inquiétude ! Mais l’idée, c’était de casser la relation entre Harold et Krokmou, de briser l’harmonie de ce couple et de mettre en cause cette idée de la fusion homme/dragons.

Est-ce que les gens de Dreamworks ont essayé de vous empêcher d’aller aussi loin ? Oui. Mais contrairement à ce que les gens pensent, pas Jeffrey Katzenberg. Jeffrey aime les histoires qui « en ont ». Et ce fut le principal enseignement du premier Dragons : on ne doit pas avoir peur. Au moment de la sortie, tout le monde était très nerveux concernant la scène où Harold perd sa jambe. Les gens du studio nous disaient que les spectateurs trouveraient ça trop dur, que les familles quitteraient la salle de cinéma, que tout le monde serait très ennuyé… Mais non ! Ce fut le bon choix. Le film est devenu culte à cause de ça, de cette noirceur. Et ça nous a permis d’être encore plus audacieux sur ce film-là.

Jeffrey Katzenberg : "La première chose que j'ai dite à Spielberg en créant Dreamworks, c'est que je ne voulais pas faire du Disney"

Vous aviez donc les coudées franches pour ce deuxième ? Pas complètement : on recevait des mémos internes qui disaient : « oh c’est trop sombre » ou « il faut plus de blagues ». Et on répondait : « regardez le premier film. C’est notre Gold Standard ». Dragons a clairement marqué une étape pour Dreamworks. Une nouvelle direction pour le studio. C’est un studio qui se définit par l’humour et beaucoup de gens là-bas ne sont pas à l’aise avec la poésie ou le merveilleux. Mais la force de Dreamworks, c’est qu’il y a de la place pour tout le monde et pour tous les univers. Chez Disney il y a un esprit du studio qui peut être étouffant artistiquement parlant. Je pense que je n’aurais pas pu couper la jambe du héros dans le premier Dragons par exemple. Ils auraient été paralysés par la trouille de recevoir des lettres de parents furieux. Jeffrey et Dreamworks, eux, n’ont pas eu peur…

Interview Gaël Golhen