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En ne cherchant
 surtout pas à l’imiter

Dans une des premières scènes d’Elvis & Nixon, le vrai Elvis croise un faux Elvis à l’aéroport. Et le faux est le plus ressemblant des deux... C’est une façon géniale d’admettre d’emblée que si Michael Shannon ne lui ressemble pas du tout, il incarnera plutôt ici l’idée que l’on s’en fait. Le Presley fantasmé : irréel, extraterrestre, planant au-dessus de la mêlée des mortels. Shannon, fascinant, confirme ainsi qu’il faut être bigger than life pour incarner le King. Une théorie déjà éprouvée grâce à l’allumé Bruce Campbell (photo dans Bubba Ho-Tep, il jouait un Elvis à la retraite qui combattait une momie redneck à coups de déambulateur) ou à Andy Kaufman, le comique fou furieux (célèbre pour ses sketchs où il se métamorphosait en Elvis au son d’Ainsi parlait Zarathoustra, de Richard Strauss).

En étant « le vrai Elvis »
Quand on a croisé Don Johnson (photo) sur une plage cannoise il y a deux ans, on n’a pas pu s’empêcher de le questionner sur son interprétation du King (dans le téléfilm oublié Elvis and the Beauty Queen, en 1981) : « C’était épouvantable. Je jouais le Fat Elvis, celui des dernières années. J’avais pris 15 kilos, je me sentais terriblement mal dans ce corps-là. » Il aurait mieux fait de la jouer comme Quentin Tarantino. En 1988, alors aspirant comédien, QT se retrouve à faire de la figuration dans un épisode de la sitcom Les Craquantes, au milieu d’une foule de sosies du King : « Tous les autres portaient des parachutes clinquants façon Vegas. J’étais le seul avec mes propres fringues, j’étais le Elvis de Sun Records, matois et hillbilly. » Cinq ans plus tard, Quentin confessera, via son alter ego Clarence (Christian Slater) dans True Romance : « Si je devais me taper un mec, je veux dire si ma vie en dépendait, je me taperais Elvis. »

En y consacrant sa vie Jonathan Rhys-Meyers était OK dans le téléfilm Elvis (en 2005), mais les fans du King peuvent-ils réellement faire confiance à un type qui a également incarné David Bowie (dans Velvet Goldmine) et Joe Strummer (dans London Town, bientôt en salles) ? À tout prendre, on préfère le stakhanoviste rockabilly inconnu Michael St. Gerard qui a à son actif pas moins de quatre crédits IMDb en tant qu’Elvis Presley (dans le biopic de Jerry Lee Lewis, dans un épisode de Code Quantum...). Ou Shawn Wayne Klush (photo) l’un des meilleurs imitateurs du King en activité, vainqueur notamment de la « Worldwide Elvis Competition » : c’est lui qui a été choisi par Jagger et Scorsese pour incarner Presley dans l’épisode 9 de la série HBO Vinyl. Une très belle performance, magnifiée par la trogne de bébé de Shawn : l’occasion rare de voir le King nu, comme privé de ses superpouvoirs. Quelque chose comme Clark Kent à Las Vegas.

En étant Kurt Russell
Au tournant des années 90-2000, jouer les simili-Elvis était devenu un hobby pour les stars has been : Kevin Costner, Harvey Keitel... Le plus triste ? Voir Kurt Russell à l’affiche de l’atterrant Destination Graceland. En 1963, à 12 ans à peine, le petit Kurt faisait ses débuts dans Blondes, brunes et rousses, aux côtés de l’Idole en personne. Puis en 1979, il livrait l’interprétation définitive du King dans l’Elvis, de John Carpenter (photo - téléfilm en deux parties qui fit un carton sur ABC), chef-d’œuvre patrimonial, portrait schizo aux accents Southern Gothic. Le déhanché est parfait, la lippe boudeuse à souhait, la gomina ad hoc : Carpenter et Russell créeront ensuite Snake Plissken, Jack Burton, le R.J. MacReady de The Thing, mais tout part de là, de cette prestation gorgée de soul, de violence country et de séduction sudiste.

En ne faisant que passer
Elvis est partout. Ne comptez pas sur nous pour lister toutes ses apparitions ciné et télé. D’autant qu’elles se résument souvent à un caméo. On le croise dans Forrest Gump, dans Walk the Line, dans la parodie Walk Hard (sous les traits de Jack White). Elvis est comme la Route 66 ou le mont Rushmore : la preuve qu’on est en Amérique. Dans le genre spectral, sa plus belle manifestation est sans doute celle du Mystery Train de Jim Jarmusch, le film définitif sur le King en tant qu’« obsession culturelle » (comme dirait le critique rock Greil Marcus). Son fantôme surgit de nuit, dans une chambre d’hôtel, devant une Italienne qui ne comprend pas pourquoi tout le monde à Memphis est obsédé par un chanteur mort. Il porte son costume doré, le même que sur la pochette de 50 000 Elvis fans can’t be wrong. Il dit s’être perdu. Et pouf... à peine le temps de cligner des yeux, il est déjà parti.

En étant possédé par son esprit
Acteur chaman, Nicolas Cage (photo) est surtout le plus gros fan du King que la Terre ait porté. Il a épousé l’héritière de la couronne (Lisa Marie Presley), possède la Cadillac Eldorado 1959 du grand homme, et est l’un des rares êtres humains à avoir pénétré le saint des saints (la chambre du King à Graceland). Même pas besoin de jouer Elvis pour être Elvis : c’était le sens de sa performance démentielle dans Sailor et Lula. Dans une récente interview aux Inrocks, Cage racontait que le soir où le film a gagné la Palme d’or, David Lynch lui a demandé de monter sur une table pour chanter Love Me Tender à Gilles Jacob. « Je l’ai fait, même si ma voix était pourrie. » Moralité ? Même dans l’adversité, il faut assurer le show. « Taking care of business », comme on dit du côté de Memphis, Tennessee.
 

Comment jouer Elvis ? Un exercice casse-gueule auquel beaucoup, avant Michael Shannon, ce sont essayés.

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