Benedict Cumberbatch est une movie star, mais n’a jamais eu de véritable succès au cinéma : le seul film qui s’est monté uniquement sur son nom avant Imitation Game, Le Cinquième pouvoir, a été un four retentissant : 30 846 entrées en France, 3 petits millions de dollars aux Etats-Unis. Benedict Cumberbatch est un sex symbole, mais ses rôles emblématiques sont totalement asexués : Sherlock Holmes, Julian Assange, Khan, Smaug…Benedict Cumberbatch ne joue que des génies – Sherlock, Khan, Assange, Stephen Hawking (dans un téléfilm), Van Gogh, un espion dans La Taupe et, maintenant, le mathématicien Alan Turing -, mais de son propre aveu, il n’est pas vraiment intelligent.Benedict Cumberbatch est-il un imposteur ?Pas pour les Cumberbitches, Cumberbunnies, Cumbercookies ou Benaddicts, autant de noms auto-désignant les fans de la star british (essentiellement féminines, mais il plaît aussi beaucoup aux homos). Sherlock a fait de lui une star instantanée ; c’était en 2010, et le soir de sa première apparition il est immédiatement devenu un trending toping sur Twitter. Quand il a annoncé ses fiançailles, des femmes déclaraient que leur vie était finie. Quand il monte sur les planches pour jouer Hamlet, les places se vendent mieux que pour un concert de Jay-Z et Beyoncé. Il a inspiré un poème à une rédac chef de la New York Review of Books. Et un généalogiste de l’université de Leeds lui a trouvé du sang royal. Spécialiste du photobomb rigolo sur les austères tapis rouges, il transforme chacune de ses apparitions sur les plateaux télé en happening (il imite 11 acteurs en une minute ; il danse comme Beyonce ;  il transforme du R-Kelly en Shakespeare).Et au cinéma ?Il a fait des merveilles dans Le Hobbit en prêtant sa voix profonde au dragon Smaug, a incarné une des figures de méchant de SF les plus intéressantes de ces dernières années (George Harrison / Khan), il équilibre savamment télé et cinéma, petits thrillers (La Taupe), films d’auteur à Oscars (12 Years a Slave) et grosses épopées fantastiques. Il est de tous les castings, on pense à lui pour tous les gros films (Star Wars, James Bond) et, bien sûr, il intègrera bientôt le cinematic universe de Marvel en incarnant Doctor Strange – ça pourrait être son surnom. Manque quand même encore le grand rôle, celui qui donnera une vraie consistance à cette aura dingue que Cumberbatch trimballe sur les plateaux télé et les tapis rouge. S’il habite chacun de ses personnages et fait toujours le job (parfois même un peu plus), il doit encore faire ses preuves en tant que lead actor.Après le plantage Cinquième pouvoir, qui n’a rigoureusement intéressé personne, même pas les Cumberbitches qui ont préféré traîné sur leur forum Reddit dédié, Imitation Game est-il enfin le rôle qui feront correspondre son statut et son CV ? Ca démarrait fort : il a été applaudi par le public de Toronto qui lui a décerné son prix et a été acheté par Harvey Weinstein qui lui a assuré sa place dans la course aux Oscars. Pourtant depuis, on l’oublie un peu. Son score correct au box office US (60 millions de dollars à ce jour) se fait ridiculiser par les 200 millions and counting d’American Sniper (aucun rapport entre les deux films si ce n’est leur compétition devant l’Académie) et, à moins d’un mois de la cérémonie, Imitation Game semble hors concours : exclu des duels les plus intéressants (Birdman/Boyhood ou Michael Keaton/Eddie Redmayne), il ne fait même pas office d’outsider à surveiller puisqu’il s’est fait griller la politesse par Wes Anderson et les 9 nominations de son Grand Budapest Hotel.Car, en réalité, le film du Norvégien Morten Tyldum ne vaut que par la puissance de son sujet : l’histoire d’Alan Turing, mathématicien de génie qui a craqué le code permettant de décrypter les messages nazis et a fini castré chimiquement sur ordre de la justice pour punir son homosexualité, est une sacrée story comme Hollywood les aime. Mais les bonnes histoires ne suffisent pas à faire des bons films et si la performance de Cumberbatch ne passe pas inaperçue, le film, lui, est un peu anecdotique.Next time around, Benedict ?Vanina Arrighi de CasanovaImitation Game de Morten Tyldum avec Benedict Cumberbatch, Keira Knightley, Matthew Goode sort aujourd'hui dans les salles :