J. Edgar, de Clint Eastwood : le film qui dérange le FBI
Warner Bros

Un peu de remise en contexte avant de le (re)voir sur Arte.

Mise à jour du 21 novembre 2021 : En octobre 2011, soit quelques mois avant la sortie de J. Edgar au cinéma, on apprenait que l'équipe du film de Clint Eastwood faisait l'objet d'une enquête. Pour quelles raisons ? Voici les détails, pour patienter jusqu'à sa rediffusion, ce soir sur Arte. Notez au passage que le film sera suivi d'un documentaire sur l'acteur intitulé Leonardo DiCaprio : Most Wanted, déjà visible sur le site Arte.TV, et que la nouvelle réalisation du cinéaste, Cry Macho, est actuellement dans les salles.

Cry Macho : Clint Eastwood rabâche et musarde [critique]

Article du 11 octobre 2011 : Quand le Bureau Fédéral d’Investigation n’enquête pas sur les photos de Scarlett Johansson nue, il trouve le temps de s’immiscer dans les affaires de Clint Eastwood et de ses scénaristes.

Sans surprise, J. Edgar, le biopic du fondateur du FBI par Clint Eastwood (avec Leonardo DiCaprio dans la peau de Hoover), semble ne pas plaire à certains membres FBI. La raison ? Le portrait fait par Clint de l’homme qui fut à la tête de l’agence fédérale américaine ne serait pas fidèle à sa véritable personnalité. Hoover est une légende de l’histoire américaine. Pendant près de quarante-cinq ans, ce super flic technocrate a régné en maître sur le FBI, faisant de la police fédérale sa chose : une phalange de faux héros chargés de lutter contre des ennemis intérieurs en grande partie imaginaires (nazis avant la guerre, communistes après, noirs ensuite) tout en servant en fait les intérêts du patron. Grâce à des fichiers secrets, Hoover faisait chanter les puissants du pays (stars d’Hollywood ou de la musique, présidents et fonctionnaires) dans un seul but : se maintenir au pouvoir par tous les moyens. Pourtant, ce ne sont pas ses colères ou ses manipulations qui sont critiquées, mais un point en particulier abordé dans le film : la sexualité d’Hoover. Clint reprenant une théorie connue qui lui prête une relation homosexuelle avec son directeur adjoint, Clyde Tolson (incarné à l’écran par Armie Hammer).

USA Today vient de relayer une lettre ouverte écrite par William Branon, à la tête de la Fondation J. Edgar Hoover, directement adressée à Clint, où il explique que "ce point de vue vient de l’imagination d’un auteur à la réputation douteuse et dont les écrits sensationnalistes se basent sur une information récupérée lors d’un interrogatoire d’un individu qui a été payé pour répondre aux questions et qui avait été condamné pour faux témoignage. Le film ne tiendra pas compte de la vérité, et montrer une relation intime entre M. Hoover et Clyde Tolson serait une grave erreur face à la réalité des faits et ne ferait pas honneur à tout ce qu’a fait M. Hoover durant sa carrière."

L’auteur "à la réputation douteuse", c’est Dustin Lance Black, le scénariste du film (Oscar du meilleur scénario original en 2009 pour Harvey Milk). Black n’a jamais caché son homosexualité et figurait même en tête de liste des personnalités ouvertement gay les plus influentes du pays en 2009. Mais l’attaque de William Branon à son égard rappelle étrangement les méthodes de Hoover lui-même envers ses détracteurs, qui lançait des rumeurs à leurs sujets dans le but de les discréditer...

J. Edgar : Clint Eastwood dépassé par son sujet [critique]

Mike Kortan, assistant actuel du directeur du FBI, confirme le point de vue, tout en étant moins provocateur. Sans s’en prendre directement au scénariste, il juge que "l’homosexualité de J. Edgar Hoover n’est pas un fait avéré : Il y a eu de vagues rumeurs à ce sujet, des éléments fabriqués de toutes pièces mais rien n’a jamais été réellement prouvé." Pourtant, Clint Eastwood a lui-même affirmé dans une lettre officielle que son film "ne ferait pas allusions aux allégations de Susan Rosenstiel, qui avait déclaré avoir vu Hoover se travestir (et qui a été en prison pour cela, c’est sans doute à elle que fait référence William Branon dans sa réponse, ndlr). Nous ne voulons pas non plus illustrer de manière trop crue la relation entretenue entre M. Hoover et Clyde Tolson." Mais celle-ci est quand même abordée, ne serait-ce qu’en filigrane : dans la bande-annonce, on voit le fondateur du FBI poser la main sur le genou de son associé, et Armie Hammer a déclaré en interview qu’il avait partagé une scène de baiser langoureux avec Leonardo DiCaprio. 

(Depuis la publication de ces lettres ouvertes, le film est sorti au cinéma, confirmant que ce sujet était réellement traité à l’écran.)

Bande-annonce :  


Leonardo DiCaprio a été payé dix fois moins que d'habitude pour J. Edgar, de Clint Eastwood