La Grande aventure Lego 2
Warner Bros

Ses créateurs ont bizarrement conscience de leurs faiblesses… et ils en jouent !

En 2014, Phil Lord et Chris Miller signaient avec La Grande aventure Lego un film d'animation familial et ambitieux, visuellement très dense et proposant au cours d'une intrigue à 200 à l'heure des réflexions bien senties sur la société de consommation. Les blagues fusaient, mais elles ne noyaient pas pour autant l'évolution du héros, Emmet, petit constructeur dont l'optimisme à toute épreuve finissait par donner la pêche aux spectateurs. Son mantra "tout est super-génial" y était pour beaucoup.

La Grande Aventure Lego est un film pour enfant entre Toy Story, Matrix et Guy Debord [critique]

Cette suite, toujours écrite par le duo, mais réalisée par Mike Mitchell, reprend exactement là où s'arrêtait l'intrigue des Lego, les jouets faisant la connaissance des Duplo, de redoutables adversaires dirigés par une fillette, la petite sœur du gamin fou de construction. Cinq ans plus tard, rien ne va plus au sein de la fratrie, et cela se ressent dans le monde des petites briques jaunes, dévasté par les attaques incessantes de ces méchants fluo, à paillettes et fans de tubes pop, qui ne cessent de tout détruire sur leur passage à la manière des aliens de La Guerre des Mondes. L'univers d'Emmet et de Lucy est devenu un désert de ruines à la Mad Max, ce qui n'empêche pourtant pas le petit bonhomme de continuer à garder l'espoir, pendant que sa copine broie du noir et que Batman part vivre des aventures en solo.

Passée cette introduction dans la veine du premier volet, patatras ! La Grande aventure Lego 2 bascule dans un gloubi-boulga de couleurs, de scènes musicales et de références à tout va qui passe en un clin d'oeil de la comédie musicale au space opera. Parfois ça marche (coucou, Bruce Willis!), mais la plupart des vannes échapperont sans doute aux plus jeunes, notamment les blagues "méta" : Chris Pratt, la voix d'Emmet en VO, double par exemple ici Rex, un aventurier qui est à la fois pilote de vaisseau spatial et dresseur de raptors, comme les rôles à succès de la star dans Les Gardiens de la Galaxie et Jurassic World.
A force de tout mélanger, on ne sait plus vraiment si l'on assiste à la suite de Lego ou de son spin-off Lego Batman, sorti au cinéma en 2017 : le super-héros est très présent dans cette partie de l'intrigue, ne cessant de citer Michael Keaton, Christian Bale ou Ben Affleck pendant que la reine des lieux, adepte des strass, des petits coeurs et des lolcats, lui promet une vie meilleure. A force de privilégier les blagues au fond de l’histoire, cette suite perd toute émotion en cours de route, contrairement à Toy Story 3, de Pixar, qui, sur (presque) le même sujet, s’offrait un final bouleversant il y a neuf ans.

Attention, ce dernier paragraphe contient des spoilers !
(c'est plus le concept même de la fin du film qui est détaillé ici, mais on préfère prendre des pincettes)
Alors que cette succession de séquences très fouillies finit par épuiser, le film bascule une nouvelle fois vers autre chose : ses créateurs semblant avoir pris conscience des faiblesses de leur histoire, ils se mettent d'un seul coup à jouer avec cette idée de suite "pas super-géniale", retrouvant ainsi quelques instants l'esprit surprenant et incisif du premier volet. Sauf qu'avec un tel concept, ça passe ou ça casse ! Ce ton irrévérencieux amusera sans doute une partie du public, mais certains se sentiront lésés. Ok, reconnaître ses défauts, c'est faire preuve d'intelligence et de maturité, mais ça n'aurait pas été plus simple (mieux?) de réaliser directement une suite à la hauteur du premier volet ? Ce choix scénaristique permet à cette Grande aventure Lego 2 de proposer du neuf, mais c'est paradoxalement sa plus grande faiblesse, puisque cela entraîne forcément la comparaison avec son aîné. La saga surprend encore, donc, même si c'est de façon déroutante.

Bande-annonce de La Grande aventure Lego 2, qui sort aujourd'hui au cinéma :