Le monde de la distribution française réagit (mal) à la tenue du festival Netflix
Netflix

Il est prévu pour décembre dans une dizaine de salles de cinéma.

Netflix organise pour cette fin d'année un festival dans une dizaine de salles de cinéma de l'Hexagone, et cette idée n'emballe pas les distributeurs, qui ont écrit une lettre ouverte pour s'insurger contre ce projet. Le Film Français relaie leurs propos, tout en précisant quelques détails de la stratégie de Netflix, l'équipe de la filiale française de la branche américaine ayant été contactée pour en savoir un peu plus.

L'idée est de diffuser une partie de leurs productions le temps de quelques projections exceptionnelles (et payantes), partout en France, entre le 7 et le 14 décembre prochain. Une dizaine d'exploitants réfléchiraient à planifier des séances (l'article cite les cinémas Méliès de Saint-Etienne, ainsi que les réseaux Utopia et MK2), et la liste des films projetés est pour l'instant la suivante : The Power of The Dog de Jane Campion, The Hand of God de Paolo Sorrentino, Pieces of a Woman de Kornél Mundruczó, Clair-Obscur (Passing) de Rebecca Hall, The Lost Daughter de Maggie Gyllenhaal, Malcolm & Marie de Sam Levinson, The Guilty d’Antoine Fuqua, The Harder They Fall de Jeymes Samuel et Don't Look Up : Déni cosmique d’Adam McKay. Elle devrait être étoffée avant la date du début du festival.

Ces films ayant été produits pour être diffusés en streaming, Netflix devra obtenir des visas temporaires pour chacun d'entre eux auprès du CNC pour pouvoir les diffuser exceptionnellement sur grand écran. La firme assure qu'il s'agira "avant tout d'une événement rétrospectif, relativement modeste" et pensé comme "une célébration des films et des cinéastes sur grand écran". Ils proposeront en effet principalement des œuvres déjà disponibles sur Netflix.

L'annonce de ce festival Netflix a entraîné la colère des distributeurs indépendants, qui ont écrit un message commun, relayé par les syndicats DIRE et le SDI, afin dénoncer son organisation, perçue comme "une campagne marketing de grande échelle, une bande-annonce promotionnelle géante pour inciter des spectateurs de cinéma à s’abonner à un service payant". Ils rappellent ainsi que les productions qui doivent y être projetées "ne sortiront jamais en salles", car destinées "à être vues par des téléspectateurs, devant leurs écrans de télévision". Ils ajoutent avoir été "choqués" par cette annonce "après le lancement annoncé du nouveau film de Jane Campion, en exclusivité sur Netflix, un mercredi 1er décembre, jour symbolique de sorties de films au cinéma, Netflix a donc réussi à transformer les cinémas en antichambre de ses services".

Le communiqué s'insurge au passage sur la possibilité d'organiser ce festival alors que les films indépendants peinent à trouver leur public en salles, surtout après leur fermeture de plusieurs mois à cause de l'épidémie de Covid-19 : "A l’heure où de nombreux films, victimes des 7 mois et demi de fermeture des salles, peinent à trouver une exposition à la hauteur de leur potentiel, nous dénonçons la tenue d’un tel festival. (…) Si des œuvres assimilées à des "films de cinéma" se déploient sur les plates-formes, si les cinéphiles y trouvent leur compte, quel sera l’avenir des salles de cinéma et de tous ceux qui le font et le promeuvent ? (…) La découverte collective d’une œuvre cinématographique sur grand écran constitue une expérience unique et irremplaçable. Nous devons la défendre collectivement et solidairement." Les syndicats de distributeurs interpellent également les professionnels, notamment les exploitants : "Vous rendez-vous compte qu’une attraction à court terme de vos spectateurs est un suicide à moyen terme pour nos professions respectives ? Face à de tels choix, comment continuer à défendre, à vos côtés, le principe d’une exclusivité de plusieurs mois pour vos salles dans une nouvelle Chronologie des médias qui saura intégrer les plateformes à notre écosystème en respectant l’ordre des fenêtres de diffusion ?" Ils demandent aussi aux producteurs et cinéastes de réagir collectivement : "L’avenir de nos professions se joue aujourd’hui. Demain, il sera trop tard."

Voici le message complet, relayé sur les réseaux sociaux par Le Pacte :