Glass
Disney

Rencontre avec le réalisateur d’Incassable, Split et Glass, une "origin story" sous forme de trilogie.

Le film événement de la semaine, c’est Glass, qui est à la fois la suite d’Incassable, le thriller superhéroïque de M. Night Shyamalan sorti en 2000, et de Split, film suivant un jeune homme doté de multiples personnalités, qui a relancé la carrière du réalisateur, en 2016. Première l’a rencontré pour parler de ce projet hors normes, qui a démarré avant que les super-héros n’aient autant la cote au box-office mondial, et qui se termine au beau milieu du carton plein de Marvel, qui s’apprête à battre de nouveaux records grâce à Avengers : Endgame au printemps. Un phénomène qui n’a évidemment pas échappé au créateur de David Dunn (Bruce Willis), de La Horde (toutes les personnalités jouées par James McAvoy) et Elijah Price (Samuel L. Jackson), à présent appelé Mister Glass.

Glass : Faut-il revoir Incassable et Split avant de découvrir cette suite ?

Incassable fait figure de grand canevas. Le texte sacré d’où découle toute cette mythologie « super ». Split est le petit frère absurdiste, mais aussi le plus gros carton des deux, et le plus récent. Glass ressemble davantage à la suite de Split qu’à celle d’Incassable, non ?
Split et Glass ont probablement plus en commun en termes de style et de budget, du simple fait qu’ils sont contemporains, mais chaque film a sa propre personnalité. Glass tente l’amalgame entre Superman et Vol au-dessus d’un nid de coucou, en tout cas c’est l’humeur que je visais. Cette hybridation entre le film comic book traditionnel et le thriller psychologique formait déjà l’ADN des deux précédents, mais pas de façon aussi délibérée. Les vingt minutes inaugurales sont une sorte de prologue à la James Bond. Le gros morceau « musculeux » du film. Il y a encore un peu d’action après, mais c’est sans comparaison avec la moyenne des productions Marvel. Parce qu’on met l’accent sur le suspense et le drame humain, Glass possède un dixième de cette qualité grand spectacle, mais je crois (j’espère !) qu’on le « ressent » dix fois plus. Le coeur du film est une scène dialoguée de onze minutes entre les quatre protagonistes [les trois patients face à leur psychiatre, interprétée par Sarah Paulson]. C’est l’espace que j’aime occuper.

Vous faites le lien entre les trois films à travers vos apparitions à l’écran. Dans Glass, vous jouez le même personnage que dans Split et Incassable…
En 1999, le Big Bang des superhéros au cinéma était loin de se matérialiser. Le premier X-Men était en post-production lorsqu’on a lancé les prises de vues d’Incassable. Mon intuition était celle-ci : et si les comics étaient une version détournée et commercialisée de la réalité ? L’idée était de faire passer en contrebande une origin story de superhéros sous la forme d’un thriller retors à la Hitchcock. Aujourd’hui, culturellement, tout a changé. Le monde entier possède un doctorat en superhéroïsme, on peut donc intégrer cette nouvelle obsession dans la conversation. David Dunn, Kevin et Elijah Price se retrouvent dans un hôpital spécialisé où tous les patients se croient dotés de superpouvoirs. Glass parle directement de la figure dominante du superhéros dans l’imaginaire moderne. Pourquoi maintenant ? Que se passe-t-il ? Et qu’est-ce que ça raconte de nous ?"

L’engorgement de superhéros sur les écrans ne serait pas un problème si ça produisait des films, plutôt que des attractions à effets spéciaux. Dans ce contexte, Split et Glass sont vraiment rafraîchissants. Des thrillers à clefs où il est beaucoup question de superpouvoirs…
Je ne veux pas avoir l’air de dénigrer cette économie de blockbuster dans laquelle on vit, mais voilà ce qui se passe : il y a aujourd’hui un certain type de divertissement pour lequel le public refuse catégoriquement de se déplacer. En particulier le drame, que l’on consomme désormais seul dans son coin à travers toutes ces séries télé prestigieuses qui se déversent sur nos écrans. Les gens ne veulent pas payer pour quelque chose qu’ils ont gratuitement sur leur iPad... Les thrillers ou les films d’horreur, en revanche, ont encore l’attrait du collectif. Une bonne frousse au cinéma équivaut généralement à une sortie de groupe réussie. Mais la vraie motivation ces temps-ci pour inciter les spectateurs à payer une baby-sitter et s’aventurer en salles, c’est le « CGI porn », le déluge d’effets spéciaux. Malgré tout, je suis beaucoup plus optimiste que vous par rapport à tout ça. (Rires.) Ça m’embête de m’inclure dans le lot, mais des films comme Get Out, Split ou La La Land, pour citer des exemples récents, se débrouillent très bien au box-office, au-delà du milliard de dollars en recettes combinées, et sur la base de budgets ridiculement faibles ! Il y a aujourd’hui une prime à l’originalité, à la fraîcheur et au renouvellement des concepts, j’en suis persuadé. Le règne absolu des effets spéciaux ne durera pas...

Glass : Du grand Shyamalan [Critique]

L'interview complète de M. Night Shyamalan est à retrouver dans le 492e numéro de Première, actuellement en kiosques (avec Le Chant du loup en couverture). Dans notre hors-séries bilan 2018/preview 2019, nous consacrons aussi un dossier à Glass, qui est d'ailleurs en couverture.

Bande-annonce de Glass, qui sort mercredi au cinéma :