Affiche sorties de films mercredi 27 octobre 2021
The Walt Disney Company/ Universal Pictures/ Le Pacte

Ce qu’il faut voir en salles

L’ÉVÉNEMENT
THE FRENCH DISPATCH ★★★☆☆

De Wes Anderson

L’essentiel

Wes Anderson et sa troupe reviennent en roue libre, en noir et blanc et couleurs pastels, entre pastiche et postiches, alternant divertissement premier choix et avertissement pour la dernière fois.

Chacun a son Wes Anderson à lui. Il y a les fans des débuts : le charme pieds nickelés de Bottle Rocket, la neurasthénie du campus de Rushmore, la drôle de douleur familiale des Tennenbaums. Il y a les adeptes de l’orfèvrerie Darjeeling, du modélisme de la Vie aquatique, des miniatures laquées du Grand Budapest Hotel. Et puis les grands enfants, ceux qui s’émerveillent de sa veine animée (Mr Fox, l’Île aux chiens).

Si The French Dispatch invite à ce point à faire ce type de bilan, c’est qu’il se conçoit lui-même comme plusieurs films en un, une expérience de « porte-manteau » (un des termes américains pour désigner la structure en sketchs) fondée sur deux mouvements inverses : un voyage à travers le cinéma français des années 30 à 70 (essentiellement à travers trois longs courts-métrages en noir et blanc) et un hommage au New Yorker, l’une des plus grandes institutions de la presse US. L’enluminure de The French Dispatch est à la fois son génie et sa limite. Les sketches sont ce que sont toujours des sketches : inégaux, souvent longuets, un peu invertébrés. Les acteurs y passent sans y rester, ils sont beaux, grands, célèbres, on voit bien qu’ils s’amusent comme des fous, Wes se régale, lui, à renoiriser, godardiser, truffaldiser, jacquestatiser, clouzotiser, comme le ciné-francophile qu’il est.

Le meilleur du film, au final, est sans doute sa description tendre de la petite rédaction du magazine du Kansas expatrié en France, la chroniqueuse dont on ne voit jamais le visage, penchée qu’elle est sur sa machine à écrire, le journaliste qui ne termine jamais ses papiers, celui qui peut tous les réciter par cœur et le vieux rédac’ chef visionnaire et lapidaire, dont la mort signe celle d’une certaine idée de la presse, névrotique, romantique, esthétique et obsessionnelle. Des qualificatifs qui décrivent à merveille Wes Anderson, tous les Wes Anderson, celui qui nous touche, celui qui nous sidère et celui qui finit parfois – parfois au sein du même film – par nous lasser.

Guillaume Bonnet

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PREMIÈRE A BEAUCOUP AIME

LAST NIGHT IN SOHO ★★★★☆

De Edgar Wright

Last Night in Soho a beau souvent faire l’effet d’un tour de manège euphorisant, il est innervé par une humeur sombre, plutôt inédite chez l’auteur de Shaun of the Dead. Son nouveau film suit ainsi les pas d’une jeune fille à peine sortie de l’enfance, Eloise (Thomasin McKenzie), qui débarque à Londres avec des rêves fashion plein la tête. Elle aime les Kinks et Audrey Hepburn, et se trouve donc en léger décalage avec les préoccupations de ses camarades de l’école de mode. Via un mystérieux « passage » temporel, elle va se retrouver la nuit venue propulsée dans le Soho des années 60, dans la peau d’une apprentie chanteuse (Anya Taylor-Joy), et découvrir les aspects les plus cauchemardesques du Swinging London. Last Night in Soho s’inscrit dans un mouvement initié par l’affaire Weinstein, qui invite à un nouvel examen de l’histoire du show-business, de ses dessous les plus ignobles, longtemps cachés sous le tapis. Wright s’y livre avec pour principales boussoles esthétiques – ce qui est assez gonflé – le Marnie d’Hitchcock et Répulsion de Polanski. Comme le Once upon a time…in Hollywood de l’ami Tarantino, c’est un film à la patine fun mais bourré d’idées noires. Un bonbon coloré au goût amer.

Frédéric Foubert

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PREMIÈRE A AIME

PIG ★★★☆☆

De Michael Sarnoski

On a volé le cochon de Nicolas Ainsi peut- on résumer le point de départ de Pig. Mais si vous vous attendiez à un copié-collé de John Wick au jambon emballé par Cage, vous en serez pour vos frais. Le premier art martial que vous y verrez, c’est le métier de l’acteur, décidément increvable, qui incarne un ermite fournisseur de champignons grâce à son adorable truie truffière. Le second art martial : la cuisine. Car Pig explore un underworld très proche de celui de John Wick, avec à la place des assassins new yorkais en costards, des cuistots et du personnel en salle livrant des combats clandestins dans les coulisses des palaces et des restos tendance de Portland. C’est là que réside le coup de génie du film : regarder la gentrification d’un monde au bord de la chute via un clodo puant chasseur de truffes (Cage est superbe, presque trop pour le film, comme dans Joe) parti retrouver sa plus fidèle amie. On vous le répète, si vous vous attendiez à un nouveau cacheton direct-to-video de Cage, ou à une réflexion méta sur sa vie et son œuvre, vous allez être déçus. Mais si vous mettez à table sans trop d’a priori, le repas est servi.

Sylvestre Picard

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LE PARDON ★★★☆☆

De Maryam Moghadam et Betash Sanaeeha

Le Pardon met en scène une jeune femme qui se retrouve seule avec sa fille sourde et muette, après la condamnation à mort de son mari, dont elle va apprendre, un an après son exécution, qu’il était innocent. Ce film paraît donc dans un premier temps le récit de l’accomplissement lent et difficile d’un deuil, dans une société iranienne où la femme seule est regardée avec défiance et méfiance. Jusqu’au jour où vient frapper à sa porte un homme qui se prétend ami de son défunt mari. Un homme qui va prendre de plus en plus de place dans sa vie… avant la révélation de son secret. On pense alors à Asghar Fahradi dans cette manière de placer les questions morales et les choix impossibles en son coeur. Cette ombre n’est pour autant jamais écrasante car l’intérêt du Pardon se situe ailleurs que dans son seul récit. Dans la force tranquille de sa mise en scène. Dans la précision des cadres, dans la manière de laisser les silences prendre le temps d’occuper l’espace sans ne rien brusquer. Y compris au moment de la révélation. Un premier film épatant de maîtrise.

Thierry Cheze

LAS NIÑAS ★★★☆☆

De Pilar Palomero

L’action se déroule en 1992. Et pourtant l’Espagne qui y est décrit paraît bien plus ancienne. Cette date n’a pas été choisie au hasard par Pilar Palomero. Car au moment où son pays étalait aux yeux du monde sa modernité en accueillant coup sur coup les Jeux Olympiques (à Barcelone) et l’Exposition Universelle (à Séville), les coulisses de la vie en société étaient toujours marquées par les années franquistes et dominées par un machisme qui étouffait l’éveil à la vie et à la sexualité des petites filles. Las niñas s’intéresse plus précisément à l’une d’elle, Celia, 11 ans, élevée par sa mère, élève d’un collège de bonnes sœurs de Saragosse et dont l’existence tranquille va être percutée par l’arrivée d’une camarade venue de Barcelone. Las niñas s’inscrit pleinement dans le cadre d’un récit initiatique classique. Mais le film se double d’un regard passionnant sur la société espagnole, avec cette idée de raconter les blocages d’un passé encore proche pour mieux comprendre pourquoi l’évolution continue d’être parfois lente sur le vaste sujet de la condition féminine. Le tout sans coups d’éclat démonstratifs, par petites touches suggestives, avec une sensibilité jamais insistante.

Thierry Cheze

MÊME LES SOURIS VONT AU PARADIS ★★★☆☆

De Jan Bubeniček et Denisa Grimmovà

Une jeune souris est tuée par un renard : dans l'autre monde, les deux animaux se retrouvent et doivent accomplir une série d'épreuves afin de mériter l'accomplissement. Ce film d'animation polonais en stop motion est une curiosité rigolote, à la technique solide et surtout doté d'un scénario beaucoup plus surprenant que la moyenne des productions enfantines calibrées et lisses, grâce à ses personnages zinzins, son rythme marrant et son sujet carrément audacieux quoiqu'un un brin illuminé -les allergiques au mysticisme animalier sont prévenus, ici l'au-delà pour nos 60 millions d'amis ressemble à un parc d'attractions. Si la marmaille qui vous entoure a épuisé les nouveautés (et les classiques) Disney+, montrez-leur ce curieux mélange entre Wallace et Gromit et L'Âge de glace 2, ça ne leur fera certainement pas de mal.

Sylvestre Picard

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PREMIÈRE EST PARTAGE

LA FRACTURE ★★★★☆/★☆☆☆☆

De Catherine Corsini

Une nuit post manif' Gilets Jaunes. Un hôpital. Une dessinatrice (Valeria Bruni- Tedeschi) qui s'est cassée le bras dans l'espoir de retenir sa compagne (Marina Foïs). Un chauffeur routier (Pio Marmaï) qui, grièvement blessé par des CRS durant la manif', doit trouver un moyen de quitter cet hosto pour rejoindre son camion sous peine de perdre son emploi. La nuit va être longue….

Pour

L'état de délabrement du système hospitalier français et la crise des Gilets Jaunes. Voilà ce dont Catherine Corsini s’empare ici en filmant le manque de moyens des urgences, l'état de délabrement des locaux, l'engagement sans faille d'un personnel trop clairsemé face au travail herculéen à accomplir. Mais si elle ne filmait que ça, La Fracture n'aurait guère d'intérêt. Il ne ferait que raconter mollement ce que tant de reportages ont montré. En mettant cette dessinatrice et ce routier au centre de son film, Corsini le déporte. Et ose créer rires et fous rires au milieu du chaos. Comme une libération mais aussi une manière de montrer que dans ce lieu, tout le monde est au bout du bout du précipice. Valeria Bruni- Tesdechi propose une interprétation franchissant allègrement les limites du borderline, dans un surrégime parfaitement maîtrisé. Par sa direction d'acteurs et son parti pris d'inviter la comédie dans le chaos, Corsini fait ressentir phyiquement cet After hours qui se répète soir après soir et signe son film le plus passionnant à ce jour.

Thierry Chèze

Contre

La violence (sociale comme policière) tiendrait-elle seulement à notre incapacité à nous écouter, à entendre nos individualités et nos opinions ? Alléchante théorie centrale de La Fracture, dans lequel Catherine Corsini tente de dresser le portrait d'une France divisée, à travers des personnages de bourgeois et de prolos. Alors ça se confronte, ça gueule (beaucoup, pour tout et n'importe quoi) et ça se juge dans les couloirs d'un hôpital en manque de soignants pour traiter tout le monde. Un chaos toc, artificialisé par des péripéties improbables (une prise d'otage ! Les urgences gazées par les flics !) et des ruptures de ton qui ne propulsent que trop rarement le scénario. Quelques punchlines émergent quand de ce huis clos caricatural qui ne tient pas ses promesses, très occupé qu'il est à contempler sa supposée pertinence.

François Léger

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ

LUI ★★☆☆☆

De Guillaume Canet

Les Petits mouchoirs, Rock n’roll, Nous finirons ensemble… L’intime, parfois ouvertement autobiographique, nourrit tout un pan du cinéma de Guillaume Canet auquel ce Lui apporte une nouvelle pierre. Contrairement à Rock n’roll, nulle question ici d’autofiction assumée mais le lien entre les deux existe dans leur côté introspectif et le fait que Canet en tienne le rôle principal. En l’occurrence un compositeur en double crise – inspiration et conjugale – qui part se réfugier dans une vieille maison sur une île bretonne. Et dans ce lieu coupé du monde, femme, maîtresse, parents, son fils et son double maléfique vont venir lui rendre visite dans des sortes de cauchemars nocturnes comme diurnes pour régler leur compte avec lui. Et réciproquement. Il y a du Blier de Trop belle pour toi dans ce surgissement tranquille du surnaturel décalé au cœur du quotidien le plus banal. L’exercice, complexe, fonctionne inégalement. Il va dans le mur dès que les dialogues ne font que bégayer avec ce qu’on a deviné (les scènes face à son père, le face- face des deux « Canet »…) ou que le jeu n’est pas à la hauteur (l’enfant qui joue son fils est trop dans la récitation…). Car l’artificialité envahit alors l’espace et abîme la fluidité du geste global. Par contre dans les moments de silence angoissants au cœur de cette bâtisse ou quand ses comédiens (Virginie Efira, Laetitia Casta, Mathieu Kassovitz, épatants) s’emparent avec gourmandise du jeu décalé qui leur est proposé, Lui décolle. L’aspect ludique vient titiller son côté dépressif sans le faire dévier de sa route. Comme une face B intrigante de Rock’n roll.  

Thierry Cheze

BARBAQUE ★★☆☆☆

De Fabrice Eboué

Un couple de bouchers englué dans une vie trop bien rangée au milieu des escalopes de veau et des côtes de porc, vont réveiller leur commerce et leur libido en écoulant de la viande humaine. Leurs victimes, triées sur le volet, ont toutes la particularité d’être des militants végans. La clientèle bluffée par le goût succulent et si subtil de cette viande mystérieuse en redemande forcément, obligeant Sophie (Marina Foïs) et Vincent (Fabrice Eboué) à dézinguer puis saucissonner des pauvres bougres. Fabrice Eboué expose d’abord le tableau d’une France provinciale tout en ligne claire et couleurs vives façon Petit Nicolas, pour mieux le salir et en révéler la part grotesque. Le décalage s’incarne d’ailleurs dans toutes les states d’un récit qui semble sans arrêt contaminé de l’intérieur : c’est le couple ordinaire qui devient joyeusement sanguinaire, la rom-com qui prend ses quartiers dans une comédie noire, une interprétation assumant le jeu de la caricature… Dans ce genre d’exercice, il convient de ne pas trop surcharger les effets pour ne pas déséquilibrer l’ensemble. Certaines séquences jubilatoires font toutefois regretter que le comédien-cinéaste ne se fasse pas plus confiance et n’ose l’excès pour toucher du doigt le malaise.

Thomas Baurez

ORAY ★★☆☆☆

De Mehmet Akif Büyükatalay

Reparti de Berlin en 2019 avec le prix du meilleur premier film, Mehmet Akif Büyükatalay met en scène Oray, un musulman de deuxième génération installé en Allemagne, ex voyou qui s’est reconstruit en devenant un fervent pratiquant et dont le destin bascule, un soir d’emportement contre sa femme où il lui répète trois fois le mot « talâq ». Car ce geste synonyme de répudiation dans la loi islamique l’entraîne dès lors dans un tiraillement incessant entre son amour pour sa compagne et sa ferveur religieuse. Büyükatalay apporte de la nuance et de la complexité à un sujet propice à des raccourcis faciles sans abimer la tension prenante créée par cette épée de Damoclès étouffante. Avant, hélas, qu’elle ne délite dans un épilogue bien trop confus et rapide. Comme si à la manière d’Oray, Büyükatalay ne savait pas comment mettre un terme à ce dilemme.

Thierry Cheze

LE PERIMETRE DE KAMSE ★★☆☆☆

De Olivier Zuchuat

Durant deux ans, le réalisateur Olivier Zuchuat a posé sa caméra à Kamsé, dans le Nord du Burkina Faso. Un village qui s’est largement vidé de ses habitants puisque le sol desséché n’avait plus rien à leur fournir. Mais sous un soleil de plomb, ceux (surtout celles) qui ont préféré rester se sont lancé dans un chantier pharaonique pour mettre en place un réseau de digues et de mares, qui permettrait de fertiliser à nouveau les zones conquises par le désert. Les émigrés reviendront-ils ? C’est un film sur le temps en suspension, la lente évolution des paysages et le vivant qui jaillit par instants. Sans voix off ou autres artifices, à l’exception des radios qui crachent les informations locales, Zuchuat capte la réalité mais laisse libre cours à l’imagination. Un regard aussi aride qu’humain.

Thierry Cheze

 

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