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Les films à voir ou ne pas voir dans les salles cette semaine.

 

 

Sieranevada
De Cristi Puiu ***

Rien durant Sieranevada n’indique à quoi fait référence son titre. Un peu poseur, Puiu ? Certainement. Son quatrième film roule des mécaniques auteuristes. La majorité de ses 175 minutes se déroulent en huis-clos dans un espace confiné où le cinéaste se livre à une démonstration de maestria. La caméra embarquée marque à la culotte les chassés-croisés des uns et des autres de la cuisine à la salle à manger, de la salle à manger à la chambre et de la chambre à la cuisine. Étiré dans le temps, cet impressionnant dispositif est allégé par le ton truculent des psychodrames et par le regard distancié du fils, Lary, un médecin quadra rigolard. Par-delà la prouesse, Sieranevada épuise l’espace-temps comme pour prouver que courir le vaste monde est inutile : il suffit de rester au même endroit suffisamment longtemps, et un trois-pièces cuisine plein comme un œuf finit par concentrer les tensions de la société post-Ceausescu (la vieille voisine communiste peste contre le clergé), les névroses du monde globalisé (le cousin conspirationniste commente les attentats de Charlie Hebdo), et les tares universelles de la famille (tonton a trompé tata). Alors oui, Sieranevada a un petit côté « film de festival ». Mais c’est quand même une sacrée montagne.
Caroline Veunac

Suicide Squad **
De David Ayer 
Fun et chaotique, le début de Suicide Squad est très réussi. Après, tout s'effondre. 
Au départ, tout va bien. Les trente premières minutes de Suicide Squad sont consacrées à la présentation des membres de l'équipe. Des criminels plus ou moins tarés, du sniper tueur à gages à l'homme-crocodile, forcés de se mettre au service du gouvernement. Succession de vignettes barrées et brouillonnes, gravitant autour d'une super-prison pour super-méchants, grouillant à l'ombre de Batman et Superman en mode playlist. Chaque apparition de personnage possèdant sa propre chanson, de Sympathy of the Devil à Fortunate Son. C'est fun, c'est léger, ça marche formidablement bien parce que ça ne se prend réellement jamais au sérieux. C'est à mettre au crédit du film de ne jamais jouer la carte du cool forcé à la Gardiens de la Galaxie (notons la présence de "Spirit in the Sky" dans la bande sonore comme chez James Gunn) ou de la vacherie méta façon Deadpool. Le réalisateur David Ayer n'est pas un petit malin, il croit sincèrement en ses personnages. Même lorsque ceux-ci relèvent de la caricature sexiste comme Harley Quinn, réduite à une stripper en culotte moulante qui réclame d'être maltraitée. (Lire la suite de la critique ici)
Sylvestre Picard 

La Chanson de l’éléphant
De Charles Binamé ** 
Présenté à Toronto en 2014, ce film présente un double intérêt. Il confirme d’une part que Xavier Dolan est un acteur sous-estimé (par lui-même pour commencer) dans le sens où il y a quelque chose à la fois d’enfantin et d’ambigu dans son jeu, ce qu’ambitionne tout comédien. Ces qualités naturelles deviennent des défauts quand il n’est pas bien dirigé : ici, il a parfois tendance à surjouer le sarcasme de son personnage avec force grimaces qui le rendent plus risible qu’inquiétant. Vers la fin, lorsque le huis- clos manipulateur vire à la tragédie existentielle, il est nettement plus convaincant en endossant pour de bon le costume de ce Michael dont on découvre l’homme derrière le masque. Il se trouve que les thèmes du film (les non-dits dévastateurs, les dysfonctionnements familiaux, la mort qui rôde, le traitement théâtral étouffant…) sont au cœur de Juste la fin du monde, le nouveau Dolan, présenté à Cannes. À se demander si le prodige québécois n’a pas été « inspiré » par le dispositif de mise en scène –un peu trop sage- de Charles Binamé qu’il a de son côté exploité jusqu’à l’abstraction. Mais ceci est évidemment une autre histoire. Christophe Narbonne

Et aussi :
Ma Révolution de Ramzi Ben Sliman 
Bad Moms de Jon Lucas et Scott Moore 
Ma vie de chat de Barry Sonnenfeld 
Free Dance de Michael Damian 

Ressortie :
Tout ce que le ciel permet de Douglas Sirk