Affiches Films à l'affiche mercredi 24 avril 2024
StudioCanal/ Challengers/ Sophie Dulac

Ce qu’il faut voir en salles

L’ÉVÉNEMENT
BACK TO BLACK ★★☆☆☆

De Sam Taylor- Johnson

L’essentiel

Bien qu’aseptisé, ce biopic sur Amy Winehouse parvient tout de même à saisir quelque chose de l’intimité blessée d’une jeune fille en quête d’un bonheur simple.

Le doc d’Asif Kapadia ayant largement fait le job, on pouvait légitimement se demander ce qu’une fiction allait apporter de plus sur la vie d’Amy Winehouse. D’autant que celle- ci avait été suivie en quasi direct sur les réseaux sociaux. Ce monde en surchauffe (fans déchaînés, alcool, drogue…) reste en grande partie hors-champ d’un film soucieux de polir certains angles. Mais paradoxalement cette édulcoration parasite le cliché pour mettre sa diva sous une autre cloche, celle de son intimité de jeune fille qui se rêvait rangée mais que son incroyable talent aura donc dérangé. Amy W. devient dès lors une héroïne à la Sofia Coppola, incommodée par les bruits du dehors. Et comme Marisa Abela à qui incombe l’impossible tâche d’incarner la chanteuse est parfaite, même aseptisé l’ensemble garde une certaine tenue.

Thomas Baurez

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PREMIÈRE A BEAUCOUP AIME

UN JEUNE CHAMAN ★★★★☆

De Lkhagvadulam Purev- Ochir

Un jeune chaman aussi, peut rencontrer une fille, en tomber amoureux, devenir un peu bê-bête et ne plus penser qu’à ça. La grande qualité de ce premier film récompensé à Venise réside dans le renversement des valeurs qu’il opère entre le chamanisme et un premier amour : le premier est un métier comme les autres, tandis que le second est bien plus empreint de mystère, de mystique. De là en découle une mise en scène épurée du rituel chamanique auquel s’adonne Zé du haut de ses 17 ans, tandis que tout vacillera aux côtés de Maralaa. La vie y devient plus frénétique, elle est comme mieux vécue. Entrecoupé par quelques plans de steppes, la cinéaste filme la naissance du sentiment amoureux chez un jeune homme modèle, qui se matérialise autant par du désir physique (en boîte de nuit, au lit) que, plus largement, dans sa perception du monde. Depuis qu’il connaît Maralaa, ses pouvoirs sont en effet chamboulés. Et si sa perception du monde s’en voyait mille fois décuplée ?

Nicolas Moreno

LES VIEUX ★★★★☆

De Claus Drexel

C’est avec humilité que Claus Drexel introduit son nouveau long métrage : « Au début des années 2020, nous sommes partis sur les routes de France pour écouter ceux qu’on appelle les “Vieux”. ». Pour son quatrième documentaire après Au bord du monde, America et Au cœur du bois, le réalisateur a choisi une mise en scène dépouillée : sa caméra fixe s’invite chez des personnes âgées qui n’ont d’autre point commun que d’avoir vécu assez de choses pour les raconter. D’origines et de classes sociales diverses, ils se retrouvent tous dans leur canapé et parlent de la solitude, de la guerre, de la mort ou encore de l’âge avec tendresse et sincérité. Autant de discours qui nous guident dans un voyage à travers la France au fil du siècle dernier. Drôle, étonnant et touchant, Les Vieux force l’émerveillement le temps d’écouter ces histoires individuelles qui tissent une histoire commune.

Bastien Assié

BUSHMAN ★★★★☆

De David Schickele

Ce long-métrage de 1971 inédit en France est le prolongement direct du documentaire, Give me a riddle où le cinéaste américain David Schickele faisait la rencontre de Paul Okpodam, un jeune Nigérian bientôt pris dans les rets de la guerre civile de son pays. Bushman est l’errance du même Paul désormais exilé à San Francisco en 1968. Où, comment un Africain se pose en témoin d’une ségrégation raciale occidentale qu’il observe avec une intelligence sensible. Sa position d’étranger renvoie Paul à un statut de bête curieuse auprès des jeunes gens croisés sur son chemin prompts à fantasmer un exotisme idéalisé. Tourné dans un noir et blanc que la restauration restitue dans sa pureté originelle, ce long-métrage se révèle d’une grande puissance formelle et intellectuelle. Une perle indispensable.

Thomas Baurez

 

PREMIÈRE A AIME

CHALLENGERS ★★★☆☆

De Luca Guadagnino

Depuis Call me by your name, l’étoile de Guadagnino a pâli. Une chute libre que vient enrayer ce Challengers. On y suit Tashi, ex- prodige du tennis devenue, après une blessure qui a mis fin à sa carrière, la coach de son mari, champion en perte de vitesse, dont la tentative de retour passe par des retrouvailles et une victoire face à son ancien meilleur ami qui n’est autre que… l’ex de Tashi. Deux garçons, une fille, trois possibilités donc. Mais bien plus l’orchestration de cette balade sur la carte du Tendre en flashbacks et flashforwards, c’est par sa manière de saisir l’aspect impitoyable du sport de haut niveau que Guadagnino touche juste, la sensualité des moments de séduction amoureuse tranchant avec la fatigue des corps sur les courts. Et le trio Zendaya- Mike Faist – Josh O’Connor joue à merveille de ces contrastes

Thierry Cheze

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LE DESERTEUR ★★★☆☆

De Dani Rosenberg

Tourné bien avant les attaques meurtrières du 7 octobre 2023, le deuxième long de Dani Rosenberg fait pourtant puissamment écho à l’actuelle situation de la société israélienne. Avec ce portrait d’un jeune soldat israélien qui déserte le champ de bataille pour tenter de rejoindre sa petite amie à Tel Aviv, le cinéaste met en scène le désir propre à sa génération de fuir la violence dans laquelle est depuis longtemps plongé le pays. Et le film se pare d’une couche supérieure de complexité quand le jeune déserteur découvre que l’armée israélienne, convaincue qu’il a été kidnappé, se lance à sa recherche. Errant dans Tel Aviv, persuadé que l’amour et le romantisme existent encore, alors que tout n’est que brutalité et paranoïa autour de lui, il va tomber de haut et réaliser que ses rêves de paix relèvent de l’illusion. Décapant et surprenant, ce Déserteur parvient ainsi à mettre des images sur les maux guerriers qui ravagent aujourd’hui la planète.

Damien Leblanc

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NOTRE MONDE ★★★☆☆

De Luàna Bajrami

Deux ans après son premier long, La colline où rugissent les lionnes, Luàna Bajrami poursuit son exploration de la jeunesse kosovare, son pays natal. Mais elle met ici le cap sur 2007, une année de bascule pour ce territoire avant d’accéder à l’indépendance. Sa belle idée est de faire coïncider l’aspiration à la liberté de tout un peuple avec celle de ses deux jeunes héroïnes (Albina Krasniqi et Elsa Mala, magnétiques) qui quittent leur village pour intégrer la fac de Pristina. De mêler donc récit initiatique et chronique politico- sociétale avec un parfait sens du dosage. Et son parti pris de raconter vie une imagerie colorée ces mois où l’opposition de la Serbie à cette indépendance a conduit à des affrontements coûteux en vies humaines permet de vivre ce récit avec les yeux de ses héroïnes, seules à voir une lumière au bout du chemin alors que, partout autour d’elles, la mort rôde.

Thierry Cheze

PREMIERE AFFAIRE ★★★☆☆

De Victoria Musiedlak

Lorsque Nora sort de boîte au petit matin, son patron l’appelle. Elle répond, et se retrouve envoyée sur sa première garde à vue en tant qu’avocate : ce sera sa première affaire. Très crédule, encore débutante, les débuts de la jeune avocate interprétée par Noée Abita sont laborieux. Il n’y a pas besoin d’avoir passé le barreau pour la voir commettre des fautes, se faire manipuler par un policier, bref, être une pénible et mauvaise avocate. Mais à partir de cette accusation d’homicide qui pèse sur un jeune homme à peine majeur, le film finit par tisser un discours non dénué de finesse sur la justice et les idéaux que ses praticiens projettent en elle. En cela, la belle interprétation de Noée Abita fait parfois penser à l’héroïne du récent La Vénus d’argent, tous deux jeunes mais ambitieuses. Ces films parlent avant tout de leurs valeurs profondes, qu’elles finiront bien par imposer au monde.

Nicolas Moreno

LE TEMPS DU VOYAGE ★★★☆☆

De Henri- François Imbert

20 ans après son No pasaran consacré à l’internement en France des Espagnols fuyant Franco, Henri- François Imbert s’intéresse aux Tsiganes, dont 6500 d’entre eux, bien que français, furent enfermés dans des camps par le Gouvernement de Vichy jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale. Et il s’appuie avec subtilité sur ce passé pour tenter de comprendre pourquoi ils suscitent toujours du rejet chez une partie de la population, au fil de témoignages passionnants et de moments musicaux et chantés renversants de beauté.

Thierry Cheze

MARILU- RENCONTRE AVEC UNE FEMME REMARQUABLE ★★★☆☆

De Sandrine Dumas

Marilù s’ouvre sur les planches, et déjà les regards sont braqués sur l’exubérante Marilù Marini, d’une expressivité folle. Née en Argentine d’une mère prussienne et d’un père italien, elle a toujours été un électron libre. De ses premiers pas de danseuse à Buenos Aires jusqu’à l’exil qui l’amènera sur la scène française, d'abord remarquée chez Alfredo Arias dont elle deviendra l’égérie, avant de passer indifféremment des pièces sulfureuses de Copi aux drames de Siméon ou de Beckett. C’est le théâtre qu’elle a choisi comme pays. En mêlant des scènes de vie et de jeu, Sandrine Dumas dresse le portrait sincère et sensible, empreint d’une grande poésie, quasi mélancolique sur le temps qui passe, de sa « mère de théâtre » (un lien spécial qui se ressent derrière la caméra), comédienne toujours aussi insaisissable et autant habitée par la passion du jeu à presque 80 ans. 

Lou Hupel

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME

QUE NOTRE JOIE DEMEURE ★★☆☆☆

De Cheyenne- Marie Carron

Cheyenne- Marie Carron s’attaque à un sujet sensible : l’assassinat du Père Hamel. La cinéaste filme d’abord le quotidien d’Hamel dont l’humilité et la miséricorde en font la réplique de l’évêque Myriel des Misérables. Et puis au milieu du film, on bascule sur le parcours d’Abdel l’un des deux terroristes. Totalement fauché, avançant à la lisière du documentaire et de l’amateurisme, le film réussit pourtant à éviter le prêche et la haine notamment en s’attardant sur la place des femmes. Eternelles victimes, ce sont elles qui portent peut-être la puissance réconciliatrice.

Pierre Lunn

SKY DOME 2123 ★★☆☆☆

De Tibor Banoczki

La séquence d’intro de cet ambitieux film de SF animé hongrois donne le ton : une traversée de la Budapest du futur, brutalement déshumanisée, figée sous un dôme alors que la Terre est à l’agonie… Et jamais Sky Dome 2123 ne parviendra à se déjouer de l’influence évidente du Mamoru Oshii de Ghost in the Shell -et donc du Tarkovski de Stalker et Solaris- convoquée dès son démarrage et qui écrase tout le reste du film, gentiment planant mais pas assez fou ni fort pour s’en libérer.

Sylvestre Picard

L’ECHAPPEE ★★☆☆☆

De Anthony Chen

S’exiler sur une île grecque coupée du monde, chercher à devenir invisible autant aux yeux des autres que de soi-même, voilà le quotidien de Jacqueline (Cynthia Erivo, d’une fragilité ahurissante). Une certaine douceur émane de l’errance de cette femme, ni vraiment touriste, ni vraiment locale, dont les souvenirs qui ressurgissent par fragments tentent d’éclairer progressivement la raison de sa désolation. Et comme dans Un Hiver à Yanji, le précédent film d’Anthony Chen, c’est la figure du guide touristique (ici Alia Shawkat) qui devient ange gardien et aide notre protagoniste à briser sa carapace. Mais à peine dévoilé, son passé trop intime pour être partagé nous glisse entre les doigts, tel un mirage. En résulte un film contemplatif trop distant de son sujet, qui traîne un peu de la patte et manque de fluidité lorsqu’il décide d’enfin révéler le traumatisme. Frustrant.

Lucie Chiquer

CITADEL

De Bruno Mercier

Dans le remake anglophone de son propre Paranoïa Park, Bruno Mercier déplace l’histoire d’Anna, poupée désœuvrée aux mains du maître-chanteur invisible qui détient sa fille, du Parc des Buttes-Chaumont aux remparts de Besançon. Marionnettiste, le réalisateur l’est tout autant, forçant le regard du spectateur – lui aussi otage de ce huis-clos en plein air – à coup de contrastes colorimétriques qui érigent son film en objet de cinéma bizarre. L’inégal Citadel est un labyrinthe que l’on arpente en temps réel et dont la mécanique répétitive est sauvée par sa durée. Assiégé par un bestiaire de métaphores simplistes, il est chargé de faire passer un message qui l’est tout autant : au fond, l’instinct primitif est toujours prêt à reprendre la main, et la construction sociale de l’humain, à voler en éclats.

Chloé Delos- Eray

 

PREMIÈRE N’A PAS AIME

N’AVOUE JAMAIS ★☆☆☆☆

De Ivan Calbérac

Son adaptation transparente de sa propre pièce La Dégustation, Molière de la meilleure comédie 2019, en a apporté la preuve flagrante. Le théâtre est le lieu d’expression privilégié d’Ivan Calbérac, alors que d’Irène à Venise n’est pas en Italie, ses films n’ont jamais imprimé le grand écran. Ce N’avoue jamais, l’histoire d’un septuagénaire dont le sang ne fait qu’un tour quand il découvre que sa femme l’a trompé 40 ans plus tôt, le confirme. Car la transparence de sa réalisation empêche cette intrigue de pur boulevard, plombée par des personnages étouffant sous leurs archétypes, de décoller. Tout est trop convenu pour espérer voir naître un vent de folie capable de tout dynamiter. Celui qu’on perçoit dans les regards de Sabine Azéma et André Dussollier, dont on a pu admirer chez Resnais ou dans Tanguy l’aisance dans la comédie, ici sous- exploitée car se reposant sur leurs acquis, sans les bousculer.

Thierry Cheze

OCCUPIED CITY ★☆☆☆☆

De Steve McQueen

Quelle forme cinématographique donner à l’Histoire et à la mémoire ? Steve McQueen poursuit sa quête formelle : après la collection de téléfilms Small Axe, il signe un essai documentaire monumental inspiré d’Atlas of an occupied city – Amsterdam 1940-1945, écrit par sa compagne, l’historienne Bianca Stigter : soit une promenade dans Amsterdam, ponctuée d’arrêts à différentes adresses, à la recherche des traces de l’Holocauste – sans images d’archives, uniquement à l’aide d’une caméra scrutatrice et d’une voix off rappelant d’un ton monocorde les destins des victimes du nazisme. Ambitieux, le propos de McQueen sur le souvenir et l’oubli, sur la tension entre passé et présent, finit par être écrasé par la sécheresse conceptuelle d’un film qui peine à justifier sa durée de 4h30 (autant lire le livre de Stigter, plus complet) et trace des parallèles parfois abscons entre la ville occupée par les nazis et celle qu’arpente le cinéaste au temps du Covid.  

Frédéric Foubert

LE MANGEUR D’ÂMES ★☆☆☆☆

De Julien Maury et Alexandre Bustillo

Des enfants qui disparaissent au cœur des Vosges, une légende occulte qui pourrait avoir un lien avec l’affaire, deux enquêteurs rattrapés par leurs traumas… Alors que le cinéma de genre français fait actuellement peau neuve, il y a, dans cette adaptation d’un roman d’Alexis Laipsker, un air de déjà (beaucoup) trop vu, tant dans le récit que sa mise en images, plombés en outre par une direction d’acteurs plus qu’aléatoire. On a hâte que le duo Maury- Bustillo retrouve le mojo de leur premier long, A l’intérieur.

Thierry Cheze

 

Et aussi

Le Brame de la licorne, de Arnaud Romet

Frères, de Olivier Casas

Indivision, de Leïla Kilani

Reprises

Les Maîtres du temps de René Laloux

Robocop de Paul Verhoeven