Metropolitan

Scorsese, Spielberg, du hip-hop, un film muet, des poupées Barbie… Cinq œuvres à revoir avant de découvrir le nouveau Todd Haynes.

Présenté au dernier Festival de Cannes, Le Musée des Merveilles est l’adaptation par Todd Haynes d’un livre de Brian Selznick, Black Out, qui raconte les errances parallèles de deux enfants tristes, l’un dans les seventies, l’autre dans les années 20, tous les deux à la recherche de leurs parents – et d’un peu d’amour. Le résultat est un kaléidoscope de différents styles (muet, noir et blanc, 70’s, expérimental…) qui se regarde comme une ode au Dieu cinéma. Soit le candidat parfait pour jouer au jeu du "cinq films à voir avant".

Hugo Cabret (Martin Scorsese, 2011)

 

Metropolitan

 

Le Musée des Merveilles est la deuxième adaptation au cinéma d’un livre de Brian Selznick, après celle d’Hugo par Martin Scorsese en 2011. Etonnant de voir que le romancier et illustrateur américain donne envie à des cinéastes aux thématiques et aux univers pour le moins “adultes” (la violence, la foi et les Stones d’un côté, la postmodernité et David Bowie de l’autre) de se confronter au genre du film pour enfants. Sans doute Scorsese et Haynes ont-ils été attirés par le fait que les livres de Selznick sont avant tout d’extraordinaires hommages au cinéma. Hugo Cabret transformait le pionnier George Méliès en personnage de fiction. Le Musée des merveilles, lui, situe une partie de son intrigue au moment du passage du muet au parlant, et raconte en filigrane le choc qu’aura été cette révolution esthétique et technique pour les spectateurs sourds des années 20. Un sujet rarement abordé qui permet à Todd Haynes de réfléchir à la préhistoire de son art.

Empire du soleil (Steven Spielberg, 1987)

 

Warner Bros.

 

Quand on dit à Todd Haynes qu’il a réalisé un film “spielbergien”, il tique un peu, expliquant que ce n’était pas du tout son ambition. Pourtant, c’est bien à Spielberg qu’on pense devant ce ballet d’enfants perdus, levant les yeux vers la voûte étoilée en quête d’un signe, d’une lueur d’espoir, d’un alignement astral qui leur ferait comprendre quelle est leur place dans l’univers. « Il n’y a pas d’extra-terrestre dans Le Musée des Merveilles », contestait Todd Haynes lors de son récent passage promo à Paris. Certes, mais il n’y a pas d’E.T. non plus dans Empire du Soleil

The Get Down (Baz Luhrmann et Stephen Adly Guirgis, 2016)

 

Netflix

 

On triche un peu en glissant une série dans ce “cinq films à voir avant”. Mais c’est parce que, de toutes les reconstitutions seventies qui pullulent sur les écrans ces jours-ci (The Deuce, Vinyl, Mindhunter, bientôt Tout l’argent du monde…), c’est The Get Down (la série Netflix sur la naissance du hip-hop) qui se rapproche le plus du segment 70’s du Musée des Merveilles. Haynes retrouve une forme de légèreté et de “fausseté” baz-luhrmannienne dans sa reconstitution d’une New York clippesque, groovy, aérienne. La musique choisie à ce moment-là y est pour beaucoup : la géniale reprise disco d’Ainsi Parlait Zarathoustra par le musicien brésilien Deodato. Elle permet à Haynes de trouver le point d’équilibre entre profondeur et frivolité, entre Stanley Kubrick et le Studio 54.

The Artist (Michel Hazanavicius, 2011)

 

Warner Bros.

 

Il y aurait sans doute des parallèles à tracer (voire une thèse à écrire) sur la manière dont Michel Hazanavicius et Todd Haynes envisagent la postmodernité, et travaillent chacun à leur manière les formes du cinéma passé. Bon. On se contentera de dire ici que la quasi-totalité du Musée des Merveilles est sans dialogue, les images étant seulement portées par le sublime score symphonique de Carter Burwell. C’est très beau. Très risqué, aussi. Et on se dit qu’une telle chose aurait été impossible sans le triomphe de The Artist.

Superstar : the Karen Carpenter story (Todd Haynes, 1988)

 

Iced Tea Productions

 

Dans les derniers instants de son film, Todd Haynes se met soudain à filmer des poupées évoluant en stop-motion. Comme au temps de son premier court-métrage culte, Superstar (pas le film avec Kad Merad, hein) où le destin fracassé de la chanteuse des Carpenters était reconstitué à l’aide de poupées Barbie. C’est la belle idée du film : en voulant rendre hommage à toutes les formes du septième art, Haynes n’oublie pas la propre préhistoire de son cinéma à lui. Avant de plonger dans les arcanes de son Musée des Merveilles, ne pas hésiter, donc, à se refaire une intégrale du cinéaste, pour mesurer le chemin parcouru, et observer comment Haynes est passé de la marge au centre, de l’avant-garde au mainstream. Le tout sans jamais se renier – et ça aussi, c’est beau.

 

 


 

Le Musée des Merveilles, de Todd Haynes, en salles le 15 novembre.