DR

Une fois de plus, le festival du cinéma britannique de Dinard est venu faire mentir François Truffaut. Dans les années 50, le cinéaste de Fahrenheit 451 proclamait que « le film anglais actuel est incolore, inodore et sans saveur particulière ». C’était faux à l’époque, c’est encore plus faux aujourd’hui et cette 22ème édition du festival breton mais anglophile prouve la vitalité d’un cinéma qui tire tous azimuts. De l’expérimental (avec Titus primé par le public), de la comédie (musicale) avec Spike Island qui suit la folle virée de cinq fans d’un groupe de rock et du social avec l’immense The Selfish Giant. Et pas seulement immense par la taille.C’est précisément ce film de Clio Barnard qui a remporté tous les prix lors de la soirée de cloture samedi. Un triomphe pour Clio Barnard qui, si son nom ne vous dit rien, risque de devenir très vite, très célèbre. Normal : après son premier documentaire expérimental sur la dramaturge Andrea Dunbar (The Arbor), The Selfish Giant la fait passer dans la cour des grands. Maîtrise cinéma stupéfiante, sens du récit terrassant et flair réaliste implacable, en un film de fiction elle met à l'amende tous ses concurrents... Ce film (donc) raconte l'histoire de deux jeunes garçons, Arbor et Swifty, qui tentent de survivre dans le quart monde d’une Angleterre ravagée. Arbor est un petit blond agité, un rebelle allergique à toute forme d'autorité. Swifty est un débonnaire lunatique. Et nos deux lascars (Don quichotte et Sancho Pança lads) de vagabonder et de découvrir leur quartier… Jusqu’au jour où ils rencontrent le ferrailleur du coin et l’aident dans sa quête éperdue de la récup’ (câbles de cuivre, vieux métaux…). Ils vont surtout découvrir la passion de Kitten pour les chevaux…Pas besoin de vous faire un dessin : il y a du Loach ou du Mike Leigh chez Barnard. Comme chez Loach, la tragédie prend corps dans un environnement hyper documenté et documentaire (ici les traditions tsiganes). Mais comme chez les premiers films du maître britton, Barnard sait allier une poésie naturaliste à un fond social engagé. Dans la plus pure tradition britannique, ses acteurs, en particulier les deux momes, sont également prodigieux de vérité.Récompenser Barnard samedi soir, c’était récompenser un nouveau talent particulièrement éblouissant, mais surtout, primer une tradition, l’héritage d’un cinéma anglais toujours vivace et bien vivant. En plus du Hitchcock d’Or, Barnard est repartie avec le prix de l'image Technicolor et le prix Coup de cœur.Spike Island a reçu le prix du meilleur scénario et Titus celui du Public.Mais samedi soir, Cantonna (président du jury) avait raison de se féliciter d’une sélection aussi riche (en émotion et en qualité) et surtout d’un prix rappelant l’énorme puissance et originalité d’un cinéma qui est loin d’être mort…