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Retour sur Heartless, un film refusé par les circuits de distribution et les chaînes télés et sorti directement en DVD. Ca fait mal au coeur.Récemment, je parlais au téléphone avec le réalisateur Philip Ridley à propos de son film Heartless qui sort directement en vidéo. Depuis qu’une bagarre a éclaté dans une salle qui programmait un film d’horreur, tous les films du même genre ont été bannis de ce circuit. La contagion a gagné, causant  la raréfaction des bons films fantastiques en salle, et obligeant le cinéphile à guetter les sorties de DVD inédits. Incidemment, il semble qu’une chaîne de télé à péage ait été intéressée par l’achat de Heartless en vue de sa diffusion, mais elle a renoncé à cause d’une scène jugée trop explicite :  à la suite d’un pacte imprudent, le personnage principal est amené à découper le cœur d’un inconnu avant de le déposer sur le parvis d’une église. La séquence aurait pu faire l’objet d’une coupe, mais autant détruire le film. Dramatiquement comme esthétiquement, la scène est indispensable parce qu’elle renvoie directement au sujet du film, ainsi qu’à son titre, qui signifie littéralement « sans cœur ».Jim Sturgess (Les chemins de la liberté) y joue un jeune Anglais marqué par une tache de vin - en forme de cœur - qui fait fuir toutes les filles. Depuis la mort de son père, il vit dans un monde sans cœur (indice !), marqué par la violence et l’absence de lois.  Pour gagner le cœur (vous commencez à voir le rapport ?) d’une voisine jouée par Clémence Poésy, il fait un pacte avec un personnage énigmatique, mi sorcier diabolique, mi chef de gang local. Mais le prix est élevé. Philip Ridley, qui n’avait rien tourné depuis Darkly noon revient en super forme avec ce film plus personnel, poétique, et tendu que ses précédents. Entre réalisme et fantastique, il propose différents niveaux de lecture. Le héros est-il fou ? Ce qu’il voit est-il la réalité ? ou une forme de réalité plus ou moins déformée selon ses états affectifs ?Pour une fois, le cœur en tant que thème n’est pas un repoussoir. Ridley le décline sous toutes ses formes et lui donne une multitude de sens, sans jamais tomber dans la mièvrerie. J’en profite pour ouvrir une parenthèse et rétablir la vérité : le cœur n’est qu’un organe, et il est surestimé. Pourquoi ce favoritisme ? Pourquoi ne pas rétablir l’ordre naturel dans les expressions usuelles ? Rendons aux autres organes leur place légitime et militons pour la diversité. Je propose d’enrichir notre banque de clichés avec quelques titres de films qu’on aurait bien aimé voir:Le souffle au foie.Un estomac en hiver.De battre, mes gonades se sont arrêtées.Le roi de vessie.Au pancréas de la nuit.Chasseur blanc, cerveau noir.Richard poumon de lion.Le gland sur la main.L’accroche-rein.J’arrête là, et je m’en vais soigner mes peines de foie en buvant un cocktail. Ou deux. Santé par les plantes !