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Comédien et metteur en scène, il a dirigé le Théâtre 71 de Malakoff pendant vingt-sept ans. En janvier prochain, Il quitte sa fonction. Bilan et projets d’un homme qui bouge.Propos recueillis par M.-C. NivièreDiriger un théâtre de banlieue facilement accessible, cela aide…Evidemment ! Nous ne sommes qu’à quelques mètres du périph, et proches d’une station de métro. Pour les gens qui habitent Montparnasse, il est plus simple de se rendre au Théâtre 71 qu’à la Colline, par exemple. Nous avons besoin d’un large public pour faire vivre le théâtre. Dans un rayon de cinq à dix kilomètres, il y a une dizaine de théâtres, avec lesquels nous avons mis en place un système d’abonnement intitulé «Nos voisins sont formidables!».Depuis vingt-sept ans, le public vient régulièrement.Une des raisons du succès est qu’un spectacle reste longtemps à l’affiche, au moins trois à cinq semaines. Comme la salle, de belle qualité, a une capacité parfaite (cinq cents places), cela nous permet de travailler sur un temps assez long, laissant la possibilité au public de venir et à la presse d’en parler.Il y a eu de belles et grandes découvertes…Notre pari était d’accueillir des compagnies théâtrales, des metteurs en scène, connus par un petit cercle d’initiés et qui devaient passer à l’étape suivante, c’est-à-dire toucher un public plus large. Pour ces compagnies de province, venir à Malakoff, c’est presque venir à Paris. Ce que j’aime avec elles, c’est que l’esprit de troupe y règne. Il n’y a pas de stars, mais de sacrés comédiens. Nous avons accueilli Eric Lacascade, Philippe Delaigue, Jérôme Thomas, Anne-Laure Liégeois, Wajdi MouawadRacontez-nous votre rencontre avec Wajdi MouawadJe l’ai connu par Noces chez les Cromagnons, un texte dont la lecture m’a emballé. Lorsque je découvre que Wajdi est programmé aux Fancophonies de Limoges, avec Littoral, je vais voir la pièce. Un choc ! Je l’invite à venir au Théâtre 71. A l’époque, il ne savait pas qui j’étais, ni où se trouvait Malakoff. C’était en 1999. Depuis on a accueilli tout ce qu’il a fait et c’est devenu un ami. Aujourd’hui, on inverse les rôles, je vais jouer pour lui…Et cela va être ?Il monte sept tragédies de Sophocle. Antigone, Electre et Les Trachiniennes sont les premières. Nous allons entamer une immense tournée, Barcelone, Athènes, mais aussi Lyon, Nanterre, le Festival d’Avignon, qui nous mène jusqu’en janvier 2012. Après, nous irons à Québec, à Ottawa…Donc, après votre départ du théâtre 71, votre avenir s’annonce radieux ?Je suis booké jusqu’en 2012, et cela va certainement déborder sur la saison suivante, tant les demandes affluent. C’est une très belle sortie, grâce à Wajdi, mais aussi à Benoît Lambert. (Pour lequel, il joue en ce moment dans Enfants du siècle). Je suis heureux car c’est un très beau travail et surtout une belle équipe.Et vous partez heureux de l’œuvre accomplie.D’autant plus que cette année le nombre d’abonnements a augmenté, alors que l’on n’a même pas un Wajdi Mouawad de programmé !La nomination de votre successeur, Pierre-François Roussillon, est quelque peu surprenante…La Drac, dont nous dépendons, n’a pas de ligne directrice, sinon elle m’échappe ! Ils ont choisi pour me remplacer un musicien. Je ne le connais pas bien, donc je ne peux avoir d’opinion… Mais c’est vrai que sa nomination est un peu étonnante. Je n’ai pas bien compris. Le théâtre existe depuis quarante ans, il n’a eu que deux directeurs, deux metteurs en scène. Là, c’est un vrai changement.Pourtant, un jour, quelqu’un vous a nommé ! Comment est-ce arrivé ?Je venais de m’installer à Paris – Je suis provincial. Je venais d’inventer le théâtre à domicile qui marchait très bien. Jacques Renard, alors au ministère de la Culture, m’invite à déposer ma candidature pour Malakoff. Jack Lang désirant à l’époque installer des metteurs en scène à la tête des structures, j’avais toutes mes chances. Je m’y suis rendu en voiture, car je pensais que c’était loin de Paris ! Sur place, je m’attendais à trouver une petite salle, et je tombe devant un gros théâtre. J’ai foncé, car j’allais pouvoir installer mon action quelque part et associer mes spectacles avec un public. Je n’avais jamais imaginé que j’y resterais aussi longtemps.Théâtre 71Enfants du Siècle, un Diptyque