Dorothée Pousséo : "Avant de doubler Margot Robbie, j'avais déjà fait un film Barbie !"
Abaca/Warner Bros.

La voix française de l'actrice australienne nous livre quelques anecdotes sur ce gros succès de 2023 au cinéma, au moment de sa sortie en DVD et blu-ray.

Depuis que Martin Scorsese a révélé Margot Robbie au grand public grâce au Loup de Wall Street, elle est doublée en France sur une quinzaine de films par la même comédienne, Dorothée Pousséo. C'est l'une des plus célèbres voix de France : de Disney Channel aux publicités pour Playmobil ou les Parcs Astérix, vous l'avez forcément déjà entendue ! Extrêmement active dans le doublage de films, séries, mais aussi jeux vidéo (Tracer dans Overwatch, c'est elle), la comédienne joue aussi en chair et en os (dans Problemos d'Eric Judor, par exemple), et chante auprès d'Aldebert en tant que "Mortelle Adèle".

A l'occasion de l'arrivée du plus gros succès de l'année 2023 dans nos salons (1,4 milliard de dollars de recettes mondiales, tout de même), elle nous livre une poignée d'anecdotes sur les coulisses du doublage du blockbuster de Greta Gerwig. Qu'il soit question de "ken Ken" ou de détailler sa première plongée dans l'univers de Barbie, dès 2003 pour un film d'animation, elle parle avec humour et passion de son métier.

Barbie
Warner Bros

"Margot Robbie et moi"
 

"Je fais du théâtre et du doublage depuis que je suis enfant. Margot Robbie, j'ai commencé à la doubler il y a tout juste dix ans, sur Le Loup de Wall Street de Martin Scorsese, qui avait lui-même supervisé les voix françaises. Il y avait une autre comédienne sur les bandes-annonces, qui était super, mais lui, il voulait une voix plus proche de celle de son actrice. On m'a proposé de passer un casting et grâce à mon timbre grave et éraillé, j'ai 'gagné' ! Il m'a choisie. Enfin, je ne crois pas qu'il connaisse mon nom, il avait dû dire quelque chose dans le genre : 'Je veux la voix n°2 !' Mais quand même, j'ai été sélectionnée par Martin Scorsese, je peux mourir tranquille (rires).

Pour Barbie, la Warner Bros. a tout simplement fait appel à moi parce que j'étais déjà la voix française de la comédienne, et que j'avais notamment fait les Suicide Squad avec eux. Harley Quinn, c'était déjà une énorme expérience avant Barbie, avec des différences de jeu à chaque nouveau film, et je la fais aussi en animation, dans une série où elle s'est enfin débarrassée de Monsieur J (le Joker) et tombe amoureuse de Poison Ivy (Harley Quinn, diffusée sur Max depuis 2019, ndlr). C'est assez cool car en VO, ce n'est plus Margot sur le rôle, alors qu'en VF, cela crée une certaine continuité.

Barbie était agréable à doubler, déjà parce que pour ce rôle, Robbie avait pris une voix plus légère. Elle va moins dans les graves, on entend presque plus sa voix éraillée alors que dans Moi, Tonya on a vraiment une voix très cassée. Dans Babylon, aussi, elle a des moments où elle était presque aphone à force d'avoir beaucoup crié dans certaines scènes. Pour moi aussi, ce genre d'enregistrement, c'est physique !
A côté, Barbie c'était donc plus reposant, avec en plus du positif, cet esprit joyeux... Bon, ceci dit, Margot a plein de scènes dramatiques dans ce film, j'ai pas mal pleuré, mon mascara en a pris un coup !"

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La confiance de sa directrice artistique

"Pour moi, l'aventure Barbie s'est résumée assez rapidement : la directrice artistique, Barbara Tissier, me connaît bien, elle savait ce qu'elle voulait et ce que moi je pouvais apporter, donc on est allées assez vite. Malheureusement, on n'a pas pu enregistrer ensemble avec Alexandre Gillet (le doubleur de Ken, joué par Ryan Gosling, ndlr). C'est un mec génial, on s'entend super bien, mais on n'avait pas les mêmes dispos, c'était une galère pour elle à planifier. En plus, sur ce genre de gros doublage, on ne doit pas se marcher dessus. Bref, c'était compliqué. Mais comme elle sait que j'ai besoin d'un acteur en face pour me répondre, elle m'a proposé d'enregistrer après lui, comme ça je pouvais écouter ses répliques au casque et me mettre sur le même ton.

J'ai une anecdote qui résume bien notre collaboration : je lui ai proposé d'ajouter une vanne par rapport à la version américaine, et elle m'a soutenue. Vous savez quand Barbie revient du monde réel avec les deux humaines ? A un moment, elles sont sur un vélo et le personnage d'America Ferrera lui dit : 'Ne le dis pas à Ken, mais j'ai jamais eu de Ken.' On comprend que cette poupée ne l'intéresse pas trop et Barbie lui répond un truc assez anodin : 'C'est parce que Ken est complètement superflu.' En voyant cette scène en anglais, j'ai proposé : 'Et si je lui répondais : 'ça, c'est parce qu'il ne peut pas ken, Ken.' Il y avait déjà toutes ces références au fait qu'ils n'ont pas d'organes génitaux, donc ça ne me semblait pas too much.

Barbara est géniale, elle a aimé, elle m'a immédiatement répondu : 'Ouais, allons-y, carrément !' On a enregistré ma version, et pas le texte prévu qui était beaucoup plus sobre évidemment, sans 'ken'. Je parle du verbe, bien sûr. Quand on a soumis l'enregistrement, chez Warner, les Français ont adoré. Ils ont beaucoup rigolé. Ils voulaient le garder, mais les Américains, à l'écoute, ils ont dit un truc du genre : 'What is ken Ken ?' Alors on a dû leur expliquer et là, c'était fini. Notre interlocuteur a dit : 'Oh non, non, non, it's weird. C'est bizarre.' On a alors réenregistré la réplique plus soft que vous entendez dans le film.

On se disait que c'était un peu dommage comme nos partenaires français avaient trouvé ça drôle et pas non plus hyper vulgaire. Enfin tant pis, on oublie ça, et quelques semaines plus tard, les Américains sortent la fameuse affiche avec Barbie et Ken et cette accroche incroyable qu'on pouvait traduire littéralement : 'Elle peut tout faire, lui c'est juste Ken.' Et revoilà ce double sens ! (rires) On recevait plein de réactions d'adultes qui trouvaient ça génial. Alors que les enfants, ça leur passe au-dessus de la tête, franchement, c'est pas choquant."

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Warner Bros.

La force de Barbie ? Sa double lecture

"J'ai personnellement vécu ce genre d'expérience de double lecture. Ma fille de neuf ans, elle voit le film et me dit : 'Wouah, les femmes dirigent le monde, ce sont elles qui décident.' Elle est touchée par le message. Alors que ma petite de six ans, elle na va pas du tout être dans cet univers-là. Elle va juste voir que la robe rose, elle est jolie, qu'il y a un toboggan et des paillettes. Elle va reconnaître 'sa' maison de Barbie et ressortir émerveillée grâce à ça. C'est marrant de voir, à quelques années d'écart, toutes les lectures possibles.

Je crois bien que c'est ça qui a contribué à ce succès planétaire. Comme le succès d'un Disney, l'atout de Barbie, c'est la lecture pour tous les âges. Cette double lecture qu'on peut tous avoir en tant qu'homme, femme, jeune, vieux, 'midlife', ce qu'on veut. Et puis, il y a aussi ce rose, cette envie de sourire, de légèreté. J'ai ressenti que le monde avait besoin de ça à ce moment-là. Je ne sais pas si Barbie aurait aussi bien marché en sortant une autre année. Là, après le Covid, les guerres qui reprennent partout, toutes ces horreurs autour de nous, les gens étaient tellement épuisés qu'ils ont eu envie de légèreté cet été."

Barbie et le lac des cygnes 2003
Mattel Entertainment

Sa première expérience avec Barbie

"Mon autre histoire rigolote avec Barbie, c'est qu'avant de devenir la voix française de Margot Robbie, et donc d'être appelée pour ce film, je faisais déjà partie de cet univers. Grâce à Barbie et Lac des Cygnes. Vous connaissez ? C'est sorti il y a au moins 20 ans ! Je faisais la méchante, je m'appelais Odile. Un personnage qui passait tout son temps à hurler. C'était rigolo à jouer. Je me souviens que je lui avais donné un rire hor-ri-ble. Extrêmement strident.

D'ailleurs, les rôles de méchants, c'est toujours ceux où on s'amuse le plus en doublage, parce que c'est l'exutoire. Bref, ça m'avait éclatée à l'époque, et on m'en reparle souvent. Après coup, c'est drôle car ce doublage était dirigé par Danielle Perret, comme sur Le Loup de Wall Street. Tout est lié !"

Elle même directrice artistique, Dorothée Pousséo a fondé récemment sa propre école de doublage avec une autre spécialiste dans ce domaine, Kelly Marot (la voix française régulière de Jennifer Lawrence, entre autres). Toutes les infos sur Dub-School sont à retrouver sur leur site officiel.

Voici la bande-annonce de Barbie, depuis peu disponible en DVD, blu-ray et VOD :


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