Affiches Films à l'affiche mercredi 24 janvier 2024
Metropolitan/ ARP/ Ad Vitam

Ce qu’il faut voir en salles

L’ÉVÉNEMENT
IRON CLAW ★★★★★

De Sean Durkin

L’essentiel

Sean Durkin explore à nouveau une cellule familiale dévorée de l’intérieur à travers le parcours tragique d’une fratrie de catcheurs américains. Porté par une mise en scène habitée et une interprétation géniale, il a déjà tout d’un classique.

Sean Durkin s’empare ici de la véridique trajectoire de la fratrie Von Erich, poussés par un paternel bourrin et revanchard à concrétiser ce que lui n’avait pas accompli (devenir champion du monde de catch) et briser la malédiction supposée liée à leur nom. L’histoire d’un désastre affectif, vu à travers les yeux de Kevin, frère aîné sur lequel repose d’abord les espoirs des Von Erich. Corps boursouflé de muscles, visage résigné du supplicié, Kevin est un monstre silencieux à la sensibilité broyée par le spectacle qu’il doit offrir de lui-même. Par sa mise en scène d’un élégant classicisme, le film reste dans la roue de cet anti-héros lucide. L’ensemble avance sur une ligne claire, baignée d’une relative torpeur retenant au maximum le jaillissement des émotions.  La grande faucheuse est là, rôde en permanence, étreint des corps atrophiés, regarde des frères tomber. Les faits sont là, « dans toute leur laideur », auxquels Durkin, dans un geste paradoxal, restitue la beauté tragique.   

Thomas Baurez

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PREMIÈRE A AIME

MAY DECEMBER ★★★☆☆

De Todd Haynes

Aux côtés de la fidèle Julianne Moore, Natalie Portman rejoint la liste impressionnante de celles que le cinéaste a dirigées. Et cette fois- ci, inspiré par l’affaire de la prof Mary Kay Letourneau, il organise un duo/duel entre une actrice qui se prépare au tournage de son prochain film et la femme qu’elle va incarner à l’écran, dont, des années plus tôt, son histoire d’amour avec un ado de 13 ans (devenu depuis son mari et le père de plusieurs de ses enfants) lui a valu un séjour en prison. Cinéaste des mélos déchirants, Haynes signe ici un film qui tranche avec ses habitudes, dans une ambiance sarcastique et revêche à souhait. Ce parti pris crée une distance avec ses personnages et limite la capacité de ce film à se déployer émotionnellement. Mais Portman et Julianne Moore s’y déploient, elles, avec finesse et intensité, tout comme leur partenaire masculin principal, Charles Melton.

Thierry Cheze

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LE DERNIER DES JUIFS ★★★☆☆

De Noé Debré

Dans son premier long, Noé Debré s’empare, sous forme de comédie, de la question de l’antisémitisme. L’histoire de Bellisha (la révélation Michael Zindel), héros décontracté et lunaire, tragique et lucide, rêveur et charmeur. Ce bientôt trentenaire cohabite avec Giselle, sa mère atrabilaire (Agnès Jaoui), inquiète de voir la communauté juive de Sarcelles réduite à peau de chagrin. Bellisha dédramatise ce qui peut l’être, trompe l’angoisse maternelle comme autant de brèches à colmater. A travers l’itinéraire de cet anti-héros, Noé Debré prend à bras le corps la violence sociale et culturelle qui plombe nos sociétés. Et à l’habituel circuit fermé, le cinéaste répond par une ouverture d’esprit d’une réelle intelligence.

Thomas Baurez

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LA COULEUR POURPRE ★★★☆☆

De Blitz Bazawule

Adaptation d'une comédie musicale de Broadway, elle-même adaptée du film de Spielberg, qui adaptait le roman d'Alice Walker, La Couleur pourpre raconte l’histoire de deux sœurs afro-américaines dans le Sud des Etats-Unis, qui vont être séparées pendant un demi-siècle. L'une va retrouver l'Afrique des origines tandis que l'autre, mariée à un alcoolique violent, va survivre et forger son propre destin. Au-delà de son aspect musical rutilant, parfaitement rodé, La Couleur pourpre film repose essentiellement sur les perfs canon de son casting Tout est à la fois excessif et très calibré, cela faisait longtemps qu'on n'avait pas vu un film aussi américain -dans tous les sens du terme- sur grand écran. Et ça fait du bien !

Sylvestre Picard

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LA GRÂCE ★★★☆☆

De Ilya Povolotsky

Il y a quelque chose de chaleureux dans ce van de fortune qui sillonne les steppes et déserts de la Russie profonde, pourtant si froids. À bord, un père et sa fille (Maria Lukyanova, magnétique), projectionnistes itinérants des provinces reculées, qui n’ont trouvé que le silence pour transporter avec eux le poids de leurs solitudes endeuillées, ponctuées par des rencontres fortuites. Du soleil d’hiver caucasien aux rivages arctiques des Barents, le road-movie désenchanté d’Ilia Povolotsky (découvert à la Quinzaine des Cinéastes) devient récit d’apprentissage avant de basculer en drame psychologique, avec une photographie organique et des tableaux panoramiques contemplatifs qui traduisent la lassitude et le spleen de ces deux marginaux au risque parfois qu’on trouve le temps long. Mais c’est précisément sur la longueur que le film prend tout son sens et vous happe pour ne plus vous lâcher.

Lou Hupel

VIVRE AVEC LES LOUPS ★★★☆☆

De Jean- Michel Bertrand

Après La Vallée des loups et Marche avec les loups, Jean- Michel Bertrand poursuit son exploration de son sujet de prédilection. Et réussit un tour de force : parler de sa passion de manière dépassionnée, aller à la rencontre de bergers, éleveurs et chasseurs ayant des opinions aux antipodes des siennes quant au sort à réserver à l’animal dans ces montagnes où ils dévorent les brebis et laisser chacun défendre ses arguments pour ne pas servir un avis pré- mâché. Un docu pédagogique mais jamais scolaire.

Thierry Cheze

UN ÉTÉ AFGHAN ★★★☆☆

De James Ivory et Giles Gardner

Parti en 1960 en Afghanistan pour réaliser un documentaire, James Ivory a tourné de précieuses images qui n’avaient jamais été montrées et qui restèrent dans une malle jusqu’en 2022, moment où le cinéaste - devenu entretemps un grand réalisateur, oscarisé pour Chambre avec vue - remit la main sur ces archives. Apparaissant lui-même du haut de ses 94 ans, Ivory accompagne ensuite ses images afghanes de commentaires personnels. Ce n’est pas seulement un Afghanistan révolu (celui d’avant les Talibans et d’avant les occupations russo-américaines) que l’on découvre mais aussi la propre jeunesse en Oregon du cinéaste, qui met en parallèle son histoire et celle de Babur, ancien empereur moghol fortement lié à Kaboul. Rythmé par la belle musique d’Alexandre Desplat et coréalisé avec Giles Gardner, ce voyage dans le temps retranscrit des souvenirs si uniques qu’ils ressemblent à un grand rêve mélancolique.

Damien Leblanc

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME

CAPTIVES ★★☆☆☆

De Arnaud des Pallières

Captives est le troisième film français récent à s’intéresser aux « hystériques » de l’hôpital de la Salpêtrière, après Augustine et Le Bal des Folles. Des Pallières, lui, imagine le destin d’une patiente (Mélanie Thierry) dont on va comprendre qu’elle a simulé la folie pour retrouver et sauver sa mère, enfermée depuis des années dans cet hôpital au fonctionnement carcéral. Le film frappe d’emblée par sa flamboyance chromatique et son parti- pris de jouer sur le mystère du hors- champ, afin de donner une sensation de claustrophobie. Mais ces choix esthétiques très affirmés sont alourdis par des aspects beaucoup plus conventionnels : d’abord l’intrigue de thriller auquel des Pallières ne semble pas beaucoup croire ; puis cette façon de faire se percuter au générique et à l’image les stars (Carole Bouquet, Josiane Balasko, Marina Foïs) et la foule des seconds rôles et figurantes anonymes, dont les visages saisis à la volée ont à peine le temps d’imprimer la rétine. Captives séduit par bribes frappantes mais trop rares.

Frédéric Foubert

NICKY LARSON- CITANY HUNTER : ANGEL DUST ★★☆☆☆

De Kenji Kodama et Kazuyoshi Takeuchi

Faire rencontrer les héroïnes et héros de Cat’s Eye et City Hunter n’est pas un projet si curieux que ça : les deux mangas ont le même créateur, Tsukasa Hōjō, et leurs univers se sont souvent croisés, dans les BD ou sur les écrans (Nicky Larson Private Eyes en 2019). Au-delà de ça, le film ne fonctionne pas des masses, à cause de son intrigue plutôt faiblarde et décousue, et de son animation rigide. Et entendre la voix du vénérable Akira Kamiya doubler encore Ryô Saeba (Nicky Larson en VF) à 77 ans commence à faire daté.

Sylvestre Picard

L’HOMME D’ARGILE ★★☆☆☆

De Anaïs Tellenne

Le gardien borgne d'un manoir (Raphaël Thiéry, saisissant de bout en bout) voit sa routine chamboulée par l'arrivée de l'héritière des lieux, une femme dépressive jouée par Emmanuelle Devos. Si l'on pense à Toni Erdmann dans le portrait de cet homme hors normes, rejeté e craint par les autres notamment lorsqu'il participe sans entrain aux fantasmes sexuels de sa maîtresse, il manque le grain de folie insufflé par Maren Ade pour que ce premier long un peu trop scolaire, réussisse à nous emporter.

Elodie Bardinet

LE CLUB DES MIRACLES ★★☆☆☆

De Thaddeus O’Sullivan

En 1967, quatre femmes irlandaises aux vies privées cabossées partent en voyage à Lourdes, espérant qu’un miracle résoudra leurs problèmes (et, accessoirement, que leurs maris restés à la maison parviendront à se faire à manger tous seuls). Avec son pitch fleurant bon l’ode à la solidarité et ses visages d’actrices aimées sur l’affiche (Kathy Bates, Maggie Smith…), Le Club des Miracles a des airs de feel-good movie à l’anglaise (ou l’irlandaise, en l’occurrence). Mais le film est en réalité plutôt feel-bad, parcouru d’affects sombres, racontant une face peu swinguante des sixties, entre avortement clandestins, machisme ordinaire, poids de la rumeur et du secret… Des histoires touchantes, auxquelles la mise en scène brouillonne de Thaddeus O’Sullivan ne parvient malheureusement jamais à insuffler le moindre dynamisme. Les comédiennes assurent le spectacle, émeuvent un peu. Mais aucun miracle à attendre sur le plan du cinéma.

Frédéric Foubert

 

PREMIERE N’A PAS AIME

TOUT SAUF TOI ★★☆☆☆

De Will Gluck

Si les héros de Tout sauf toi portent les prénoms (Beatrice et Ben) des deux personnages principaux de Beaucoup de bruit pour rien, ce n’est évidemment pas une coïncidence : depuis toujours, du moins depuis son Easy Girl, Will Gluck cherche à retremper la comédie régressive américaine (post-frères Farrelly, post-American Pie) à l’encre de la comédie shakespearienne. Très bien, mais Tout sauf toi est à des kilomètres de ce joli petit programme, et à des années-lumière de la légèreté d’Easy Girl ou du rythme cartoon des Pierre Lapin : une romcom d’aujourd’hui, tellement prudente et anesthésiée qu’elle ne provoque pas grand-chose.

Sylvestre Picard

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ICI BRAZZA ★☆☆☆☆

De Antoine Boutet

À Bordeaux, un quartier « moderne » sort doucement de terre. Des immeubles d’habitation dernier cri viennent remplacer une friche urbaine, qui servait d’abri à quelques SDF. Muni de sa caméra, le réalisateur Antoine Boulet s’attarde sur le chantier qui s’achève. L’ensemble pourrait avoir une portée sociétale (critiquer la gentrification à l'œuvre dans la métropole girondine par exemple), mais la répétition d’interminables plans fixes et silencieux donnent à ce film des allures de projet inachevé.

Emma Poesy

 

Et aussi

Félix et moi, sur les traces du chanteur de Viens Poupoule, de Luc Benito

Ma vie en papier, de Vida Dena

Nous n’avons pas peur des ruines, de Yannis Youlountas

Pense à moi, de Cécile Lateule

Un coup de dés, de Yvan Attal

 

Les reprises

Le Limier, de Joseph L. Mankiewicz

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