Mission Impossible du pire au meilleur
Paramount Pictures

Alors que le septième volet des aventures d'Ethan Hunt est actuellement en salle, nous avons accepté la mission – pas si impossible que ça – de classer les films de la saga.

7 – Mission : Impossible III (J.J. Abrams, 2006)

Le choix du réalisateur, comme toujours dans cette saga, était merveilleux : confier le nouveau volet de l'adaptation ciné de la plus grande série d’espionnage des sixties au nouveau petit génie de la série d’espionnage : J.J. Abrams. C’étaient les années 2000, la grande époque de l’hybridation ciné/TV, Sydney Bristow était alors plus cool que James Bond, et Tom Cruise venait de binger les deux premières saisons d'Alias. Mais la plupart des intuitions théoriques du wonderboy J.J., très séduisantes sur le papier, ne fonctionnent jamais vraiment à l’écran : le MacGuffin gaguesque (la très abstraite "patte de lapin") confine à la désinvolture, la tentative de reformer une équipe autour de Hunt fait long feu, et les scènes domestiques façon soap embarrassent, jusqu’au ridicule plan final. On sauve néanmoins : un Philip Seymour Hoffman en grande forme, des scènes de masques et d'infiltration virtuoses au Vatican, l’une des plus belles courses à pied de Cruise, et la blague, vraiment très drôle, du casse d'un immeuble ultra-sécurisé de Shanghai escamoté à nos regards. L’idée de M: I 3 était de transformer Tom Cruise en Monsieur tout-le-monde. Il fallait oser. Puis se rendre à l’évidence : Tom Cruise n’est pas Monsieur tout-le-monde. 

 

Mission Impossible 3
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6 – Mission : Impossible 2 (John Woo, 2000)
 

Un John Woo raté vaut-il mieux qu'un J.J. Abrams moyen ? On se pose la question devant le très faiblard Mission : Impossible 2 (et sa place dans ce classement). Il faut d'abord se souvenir de la déception qu'avait été ce film à l'été 2000. Imaginez : la suite de l'un des meilleurs blockbusters des années 90, réalisé par un John Woo en pleine ascension US (il sortait de Volte/Face, déjà une histoire de masques et d'adversaires en miroir), porté par un Tom Cruise déchaîné après deux ans de confinement kubrickien… Résultat : une star en plein ego trip, un cinéaste en pleine autoparodie, trop de colombes, trop de ralentis, trop de motos en folie, trop de flamenco caliente, trop de vent dans les cheveux mi-longs de Tom. Mais le temps (et les rediffs sur NRJ 12) passant, on a fini par avoir un peu de tendresse pour cette relecture hi-tech et crâneuse des Enchaînés d'Hitchcock (un espion est obligé de pousser la femme qu'il aime dans le lit de son ennemi). Et il faut reconnaître que l'image d'Ethan Hunt faisant de l'escalade en intro du film, juste pour la frime, donne toujours un rush d'adrénaline. Un petit Mission : Impossible, oui. Mais un gros plaisir coupable.

 

Mission Impossible 2
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5 – Mission : Impossible – Fallout (Christopher McQuarrie, 2018)

Après Rogue Nation, Christopher McQuarrie rempile, rompant ainsi le grand principe des Mission : Impossible (un film, un réal’). Mais il veut quand même se réinventer, afin de garder ce principe de variété esthétique au cœur de la saga. Exit, donc, la sophistication néo-hitchcockienne, place à une approche plus brutale, plus contemporaine, influencée par John Wick et les Bond de Daniel Craig. Les scènes estomaquantes abondent (le HALO jump au-dessus de Paris, l'énorme climax en hélico), Henry Cavill et sa moustache défoncent tout (surtout les toilettes du Grand Palais), mais le film est un peu plombé par cette logique inflationniste et, surtout, par l'impératif scénaristique que se sont imposés McQ et Cruise de boucler l'histoire d'Ethan et Julia (Michelle Monaghan) – une affaire pliée pour beaucoup de spectateurs depuis la fin du 4, et remise sur le métier uniquement pour mieux dépeindre Hunt en héros monogame et vertueux. Mais on pinaille – en 2018, rayon blockbuster, Fallout était clairement dans le haut du panier.

Mission Impossible : Fallout
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4 – Mission : Impossible – Dead Reckoning partie 1 (Christopher McQuarrie, 2023)

Avec déjà deux Mission : Impossible dans les jambes, et un troisième (Dead Reckoning partie 2) sur le feu, McQuarrie se confronte inévitablement à la question de la reformulation des clichés et des passages obligés de la saga. Armé d'un pitch dément (Ethan Hunt versus l'IA !), il livre un long manifeste "analogique", tissant élégamment entre eux les différentes options que peut offrir aujourd'hui un film Mission : Impossible : les élans romantiques, l'action cartoonesque, la psychanalyse d'Ethan Hunt, l'état des lieux du "Tom Cruise movie", les cascades qui font se décrocher la mâchoire, le plaisir du serial et la conscience du temps qui passe – pour Ethan Hunt comme pour nous, qui le suivons depuis 1996. Avec cette question à l'arrivée : combien de temps Cruise et McQ pourront-ils tenir le rythme ? La réponse au prochain épisode…

GALERIE
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3 – Mission : Impossible – Protocole Fantôme (Brad Bird, 2011)

Les Indestructibles "en vrai", c’est possible ? C’est la question que s’était posée Tom Cruise après avoir découvert le chef-d'œuvre Pixar signé Brad Bird. Celui-ci, pour son premier film en live action, pousse donc la saga dans ses retranchements cartoon et livre un chef-œuvre de comédie pop, collection de scènes d'action anthologiques et euphorisantes. L'ascension du Burj Khalifa, la course-poursuite dans la tempête de sable, les rendez-vous d'espions menés "en parallèle" dans deux chambres d'hôtel… Tom Cruise, qu'on disait alors en mauvaise passe après une série de revers médiatiques et artistiques, ressuscite en néo-Jackie Chan, et réinvente son double de fiction en action hero fatigué mais obligé d'en découdre, pour le bien de l'humanité (et des spectateurs). Pas le meilleur Mission (mais pas loin), mais le meilleur Hunt, haut la main.

L'escalade du building de Burj Khalifa (Mission : Impossible, protocole fantôme)
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2 – Mission : Impossible – Rogue Nation (Christopher McQuarrie, 2015)

Premier réalisateur de la saga à avoir déjà dirigé Tom Cruise dans un autre film (Jack Reacher, 2012), Christopher McQuarrie arrive aux manettes de la franchise avec le désir de porter celle-ci à un plus haut degré de raffinement mythologique. Les citations cinéphiles (une séquence virtuose à l'opéra de Vienne mixant La Main au collet et L'Homme qui en savait trop) se mêlent aux fixettes seventies du réalisateur (l'obsession pour les snipers, l'escadron motorisé à Casablanca comme sorti de Magnum Force…) et à ses révérences à la série télé d'origine (tout le troisième acte, un festival de manipulations et de faux-semblants qui ressuscite l'atmosphère intello et sophistiquée de la création de Bruce Geller). Ethan Hunt trouve enfin quelqu'un à qui parler en la personne d'Ilsa Faust (Rebecca Ferguson), magnifique personnage de super-espionne évanescente. En bon disciple d'Hitchcock (qui filmait les scènes de meurtre comme des scènes d'amour, et inversement), McQuarrie filme leurs scènes d'action comme des scènes de séduction. Et c'est très beau à regarder.

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1 – Mission : Impossible (Brian De Palma, 1996)

Depuis 1996, ça ne bouge pas. Le numéro 1, c'est lui. Le premier des Mission : Impossible, dans tous les sens du terme. Un film génial qui, en plus d'être le meilleur Mission : Impossible, est l'un des plus grands De Palma, celui où le génie formel du cinéaste rencontrait les exigences (et les moyens financiers) de la machinerie hollywoodienne. Prétextant l'adaptation d'une série télé dont il explosait d'emblée tous les codes (et décimait les personnages), De Palma profitait de la commande pour refaire La Mort aux Trousses et Topkapi dans l'Europe de l'après-Guerre Froide, réinventer le thriller parano et trouver le point d'équilibre (une notion si essentielle dans cette saga) entre matière grise et pyrotechnie, approche théorique et entertainment déchaîné. Formule magique après laquelle Tom Cruise court depuis près de trente ans.

Mission Impossible 1
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