Peter Fonda et Dennis Hopper
Abaca

Peter Fonda s’est éteint à l’âge de 79 ans. Célèbre pour avoir co-écrit, produit et joué dans le manifeste contre-culturel Easy Rider, Peter Fonda est décédé des suites d’un cancer hier, vendredi 16 août 2019, dans sa maison de Los Angeles. Le Captain America a tracé sa route .

Fils de l’icône Henry Fonda et frère de Jane, sa jeunesse avait eu des accents de mélo hollywoodien : sa mère issue de la haute bourgeoisie new-yorkaise est morte quand il avait 10 ans d'un suicide dans son hôpital psychiatrique (il ne l’apprendra qu’adulte). Si son père avait l’aura d’un pater familias aimant et humaniste, avec ses enfants, c’était un homme tyrannique et froid. Conséquence : Jane et Peter sont devenus des rebelles, l’incarnation de l’explosion 60’s.

On pourrait résumer la carrière et la vie de Peter Fonda à son rôle de Captain America, le hippie à moto d’Easy Rider. Ce ne serait pas tout à fait faux, mais cela resterait quand même injuste. Oui, Easy Rider changea radicalement le cinéma américain en permettant à la jeunesse de voir graver sur la pelloche ses élans, ses aspirations et son nihilisme. Oui, le road trip (célébré à Cannes en 70) signé Dennis Hopper a lancé le cinéma indépendant américain et surtout le Nouvel Hollywood et rien que pour sa participation à cette aventure, Fonda mériterait sa place dans les dicos de cinéma. 

Pourtant c’est oublié que l’acteur était déjà une star avant 69, avant son voyage motorisé sur les routes californiennes. The Trip (en 1967) est par exemple une autre date fondatrice : ce film de Corman réunit Dennis Hopper et Fonda, vedette montante de l’époque. Son physique de play-boy blond et pieds nus fait fureur chez les jeunes qui adorent ses films de motards. L’acteur en quelques années s’était imposé comme une icône d’une nouvelle génération envapée, nourrie de surf, de motos, de rock et de psychédélisme. Et après Easy Rider, dans les années 70, Peter Fonda va continuer de jouer ou de signer des films peut-être moins célèbres mais tout aussi saisissants. On pourrait citer son premier film de réalisateur, The Hired Hand, western conçu comme un hommage à La Poursuite infernale de Ford (et avec papa), joli film amer qui raconte l’odyssée de trois cowboys errants qui ne rêvent finalement que de sédentarité et de normalité ; son rôle dans The Last Movie, l’autre film culte et halluciné de Dennis Hopper ; ou bien son personnage de driver fou et dangereux dans Larry le dingue et Mary la garce, génial polar motorisé, film générationnel et totalement cintré réalisé par John Hough, réalisateur d’épisodes cultes de Chapeau Melon et bottes de cuir et du futur Incubus

Mais au fond, Peter Fonda se foutait éperdument de sa carrière et faisait ce que bon lui semblait, star nonchalante et dilettante. Les années 80 et le début des 90’s le voient émarger dans des séries B de plus (L’équipée du Canonball où il se parodie en chef de motards) ou moins (Dance of the dwarfs) gros calibre avant de redevenir vers la fin des années 90 une icône générationnelle pour des cinéastes en colère. On aperçoit sa silhouette un peu usée dans Grace of my heart d’Allison Anders ; il est Pipeline dans Los Angeles 2013 de Carpenter et surtout Terry Valentine, un producteur de rock qui a vendu ses idéaux de jeunesse contre de l’argent (villa avec piscine à Beverly Hills) dans L’Anglais de Soderbergh…

Au fond, il n’aura jamais pu se débarrasser de Captain America. Sans doute parce que Peter Fonda n’avait pas seulement crée (et joué dans) le film d’une génération, mais qu’il avait incarné la rébellion et le Zeitgeist comme personne.

C’est sans doute Guillermo del Toro qui a le mieux résumer tout cela dans un tweet lâché ce matin : "He helped changed Cinema, but he also lived a life full of love and made this world better." ("Il a contribué à changer le cinéma, mais il a aussi vécu une vie pleine d’amour, rendant le monde un peu meilleur.")

Et c’est aussi comme cela qu’il faut lire la dernière phrase de la déclaration de sa famille qui annonçait hier sa mort :"And, while we mourn the loss of this sweet and gracious man, we also wish for all to celebrate his indomitable spirit and love of life. In honor of Peter, please raise a glass to freedom." ("Et alors que nous pleurons la perte d’un homme gracieux et délicieux, nous aimerions que chacun célèbre son esprit indomptable et son amour de la vie. En l’honneur de Peter, portez un toast à la liberté.")

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