Toutes les critiques de De Particulier À Particulier

Les critiques de Première

  1. Première
    par Sophie Grassin

    Un couple récupère un sac bourré d'argent abandonné par un Syrien dans une gare. A partir de ce fait objectif, Brice Cauvin tisse un premier film sur le doute et la paranoïa, le spectre du terrorisme et le ravage intime. Entre constructions mentales et perte de repères, le réalisateur fait entendre la petite musique d'une histoire d'amour gangrénée par l'irrationnel. Sujet original mais écrasant qui, malgré des acteurs généreux, ne convainc que partiellement.

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Ce film surprenant propose une intéressante réflexion sur l'image et les apparences. S'appuyant sur un scénario un peu tortueux et très elliptique, il n'évite pas totalement le piège de la confusion mais assume plutôt bien son ambition.
    L'interrogation est au coeur du premier long métrage de Brice Cauvin, déjà auteur en 1990 d'un court nominé aux Césars (Faux bourdon) : questionnement omniprésent des protagonistes, sans cesse confrontés à des décisions qu'ils ont le plus grand mal à prendre ; mais aussi du spectateur, surpris par les tours et détours d'un scénario qui rebondit de façon improbable et inattendue. Le point de départ (un sac oublié par un arabe auprès d'un couple en partance pour Venise se révèle rempli de billets étrangers), sans être une fausse piste, ne sert pas l'intrigue de façon convenue. Les chemins narratifs qui en découlent ont le mérite de toujours surprendre.Ici l'affaire se corse tout bêtement autour d'un mensonge, plutôt ludique et innocent : "Venise ? oui, c'était bien.", même si, finalement, le couple ne s'y est pas rendu... Pourquoi ce mensonge, pourquoi cette annulation tardive ? Les réponses seront volontairement éludées ou traitées sous forme de larges ellipses. Le film qui en résulte, étrange, ne ressemble à rien de connu. Oscillant entre plusieurs tons, ambiances et sujets, le résultat est déconcertant. Précisons d'abord que le climat d'incertitude qui enveloppe cette première réalisation est une franche réussite. À chaque instant, le courant semble pouvoir emmener Hélène Fillières et Laurent Lucas (de nouveau très bon en père de famille sur la corde raide) vers des rives inconnues, où le risque de s'échouer est bien réel, étant donné la difficulté d'identifier le fil conducteur d'un scénario gardant le cap à notre insu. De cette multiplicité assumée, qui risque d'égarer bon nombre de spectateurs, on peut apprécier les effets de surprise mais regretter le manque de clarté. Les charmes et défauts de ce film sont donc intimement liés.De l'envers des images et de leurs influences
    Globalement, cette démarche, qui demande une attention soutenue, est tout à fait justifiée. Elle permet de recréer la sensation de confusion mentale inhérente à des vies soumises au feu d'un mouvement permanent, où il est facile de se perdre entre l'être et le paraître. Car il y a une réflexion sous-jacente liée à ce couple qui ne va pas bien mais l'ignore. Le mensonge initial concernant le (non)voyage à Venise paraît d'abord renforcer leur complicité. Après tout, comme le dit Philippe : « Venise, pas besoin d'y aller, on connaît déjà ». Mais en rejetant le cliché-type du voyage en amoureux, c'est un peu comme s'ils s'étaient mis en faute par rapport à une société qui impose ses normes. Le mensonge passe d'ailleurs plus ou moins bien auprès de leur entourage. Cet élément, conjugué à l'apparition inattendue et inquiétante des devises étrangères, paraît les faire basculer dans une irrationalité, relativement « logique » au sein de ce monde où les images imposent leur vérité simplifiée. L'anxiété que devrait ressentir le couple pour sa propre histoire se déplace et se cache derrière une angoisse diffuse mais plus facilement identifiable : celle véhiculée au quotidien par les médias, même si elle n'a pas forcément de consistance. Cet enfermement dans des stéréotypes est d'ailleurs renforcé par le discours convenu de leurs amis.La sensation de contamination des existences par l'influence d'images anxiogènes évoque le Caché de Michael Haneke. Mais ici, le cliché véhiculé par l'argent de l'homme arabo-musulman aboutit forcément à l'idée du terrorisme. Peu importe néanmoins la vérité. Les clés ne nous seront pas données sur ce point...comme pour d'autres. Quand Marion récupère ses photos et découvre Venise, on flirte avec le fantastique, ou la théorie du complot... mais peut-être ne s'agit-il que d'une erreur. Ainsi, ni psychologique, ni mécanique, le scénario se penche plutôt sur ce qu'il peut y avoir entre les événements, dissimulé derrière des liens de causalité qui semblent évidents.Selon Brice Cauvin, les autres, leurs représentations du monde et leurs jugements restent toujours présents. Il est impossible de se définir sans eux. En conclusion du récit, cet encerclement progressif conduira à un point de rupture salutaire poussant à chercher, littéralement, ce qu'il y a derrière l'image. Ce qui fera écho aux questions posées tout au long du film sur les « clichés » qui dévorent nos vies, le jeu social qu'ils impliquent et la nécessité de gérer les apparences par rapport à son environnement. Par ce final, Brice Cauvin parvient in extremis à assurer une cohérence à son audacieux récit. De particulier à particulier
    Un film de Brice Cauvin
    France, 2006 - 1h36
    Avec : Hélène Fillières, Laurent Lucas, Anouk Aimée, Julie Gayet, Sabine Haudepin, Husky Kihal, Anthony Roth Costanzo, Charlotte Clamens, Thibaut Nolte.
    Sortie en salles : 19 avril 2006[Illustrations : © Pierre Grise Distribution]
    Sur Flu :
    - Lire nos critiques des précédents film de Laurent Lucas : Tiresia, Mais qui a tué Bambi ?, LemmingSur le web :
    - Le site du distributeur