Toutes les critiques de Transamerica

Les critiques de Première

  1. Première
    par Christian Jauberty

    Bree est une transsexuelle lancée sur les routes secondaires de l'Amérique profonde en compagnie d'un adolescent à problèmes dont elle pourrait bien être le père. Le film surprend agréablement en évitant les écueils d'un sujet piégeant grâce à un traitement plein d'observations juste sur la nature humaine, relevé de quelques pointes d'humour mordant. Il offre surtout un rôle en or à Felicity Huffman qui fait des merveilles.

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Filmer une transsexuelle dans l'Amérique conservatrice actuelle relève du pari. La gageure est si grande que le sujet même force le respect. Une fois le respect forcé, on se rend bien compte que cela ne suffit pourtant pas à faire un film.
    Les premières images sont des gros plans de corps. Bree regarde un documentaire qui explique comment placer sa voix. Il suffirait de le vouloir pour avoir le timbre de celui qu'on veut être... Dès cette première séquence, la question des organes est soulevée : qu'est-ce qui fait une voix grave ou une voix aiguë ? On se dit alors qu'il va être question de ce qui fait la nature d'une femme ou d'un homme. Le vrai sujet du film est là et le réalisateur aurait pu creuser ces questions. Au lieu de ça, il raconte une histoire dont les ressorts grossiers sont sous-tendus par des interrogations banales et un peu vulgaires sur les affres d'une transsexuelle. Que ferait-il si elle apprenait qu'elle est père ? Est-elle devenue telle à cause d'un Œdipe mal réglé ? Pour mieux formater son monde, Duncan Tucker n'hésite pas à convoquer les fondamentaux d'une psychologie de comptoir et à manier des concepts qui par ailleurs le dépassent.Bree - interprété(e) par une actrice, Felicity Huffman - est sur le point de changer de sexe. A quelques jours de l'opération qui fera d'elle définitivement une femme, elle reçoit un appel d'un jeune homme à la recherche de son père. Le futur ex-homme comprend que c'est d'elle qu'il s'agit. Forcée par sa psy (sic !) d'aller voir son rejeton enfermé dans une prison New-Yorkaise, Bree le ramènera en Californie, ce qui permettra au réalisateur d'utiliser la figure du road-movie psychologique - et de justifier le jeu de mot du titre. Pendant ce long trajet, le père, qui cache son identité, et le fils vont apprendre à se connaître. Le premier n'a tout d'abord qu'une envie : se débarrasser de celui qui l'a rappelé à sa première existence. Le second se fiche de cette dame qui prétend appartenir à une église et vouloir le sauver. Evidemment ce voyage se veut initiatique, il appelle la confidence et à la découverte progressive de l'autre. Mais chacun reste enfermé dans ses secrets et n'arrive pas à parler.
    Dès lors, l'histoire se complique inutilement. Les personnages ont vécu les pires horreurs et à force, on se dit que ça fait un peu beaucoup. Face à tant de catastrophes annoncées, on n'a qu'une envie, c'est que ça cesse mais le film doit aller au bout de voyage... Le père qui refuse tout d'abord son rejeton deviendra progressivement une sorte de père et mère modèle. L'honneur est sauf.Sauvé par l'actrice
    On a comme l'impression sourde que les valeurs de l'Amérique conservatrice finissent par l'emporter. Surtout quand on finit par rencontrer les parents de Bree. Nous est alors présentée la cause de tous les tourments d'une transsexuelle : une mère totalement folle et perverse qu'il aurait fallu interner ! Par ailleurs, si l'adolescent fait de la prison, c'est parce qu'il se drogue. Il se drogue parce qu'il se prostitue, et se prostitue parce que son beau-père le violait quand il était enfant. De là les raccourcis sont tous permis : l'absence de père est la cause de tous les tourments et notamment du suicide de sa mère...Sans être un film à thèse, Transamerica pouvait être subversif au sens premier du terme - qui renverse l'ordre établi. La question de ce qui fait la nature d'une femme pouvait difficilement ne pas être abordée. Eliminant volontairement la question de ce qu'il y a sous les jupes des filles, Duncan Tucker passe à côté de son sujet. Son regard sur la transsexualité se limite à des questions d'apparence. Seul le choix d'une actrice pour interpréter le rôle convoque presque malgré le réalisateur, ces questions cruciales.Felicity Huffman a été récompensée du Golden Globes 2006 de la meilleure actrice et nominée à l'Oscar dans la même catégorie. La comédienne, qui joue par ailleurs dans la série Desperate Housewives, pouvait craindre qu'après Transamerica, on doute de sa féminité, ce qui à Hollywood ne fait sans doute pas du meilleur effet. Mais elle ne s'est pas contentée d'accepter le rôle et d'en faire une prouesse transformiste à la sauce « actor studio » : elle nous offre une interprétation époustouflante et est la seule raison d'aller voir ce film. En allant plus loin que Charlize Théron dans Monster, elle incarne vraiment la figure qu'elle a décidé d'être. Grâce à cette femme qui interprète un homme qui veut devenir femme, est soulevé le problème du genre. Pourtant à entendre Duncan Tucker, on pourrait croire que ce choix permettait surtout de mieux écarter le problème du travestissement : « Nous ne voulions surtout pas que Bree ait l'air d'un homme habillé en femme ». Quand on sait cela, on comprend mieux pourquoi on a sans cesse l'impression que le film n'aborde jamais son sujet principal. Dommage !Transamerica
    Un film de Duncan Tucker
    Avec : Felicity Huffman, Kevin Zegers, Fionnula Flanagan, Elizabeth Pena, Carrie Preston
    Sortie en salles (France) : 26 avril 2006[Illustrations : © Bac Films]
    Sur le web :
    - Le site officiel du film