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 Le passager de la pluie de René Clément (1969)Sébastien Japrisot est une mine pour le cinéma. Entre Compartiment tueurs, qui lança Costa-Gavras, et L'Eté meurtrier de Jean Becker, il y eut ce Passager de la pluie écrit par Japrisot spécialement pour René Clément, solide artisan qui se surpassa dans le polar. Dix ans après Plein Soleil, Clément filme une nouvelle histoire paranoiaque, un nouveau conte de fée noir et fantasmatique (le film s’ouvre sur une citation de Lewis Carroll). Un classique un peu négligé qui est clairement l’inspiration essentielle de Sfar. Outrance graphique proche du giallo (la scène du viol), casting international, improbable et décalé (Charles Bronson, Marlène Jobert et Annie Cordy seront "remplacés" chez Sfar par Benjamin Biolay, Freya Mavor et Stacy Martin), flirt vénéneux avec le fantastique et même sous-texte socio (la libération sexuelle)… Et puis… la rousseur de Mavor (la dame dans l'auto) fait irrésistiblement penser à Marlène Jobert qui trouvait là l'un de ses plus beaux rôles.  Galia de Georges Lautner (1966)Le film de Sfar est d'abord un extraordinaire portrait de femme. Ou plutôt la transformation d'une jeune innocente en femme libérée. C'est précisément le sujet que traitait Lautner dans un de ses plus beaux films (sombre et méconnu) des années 60. Galia raconte la trajectoire d'une gamine qui découvre l'amour et la sexualité et se mue en femme au contact du pire des hommes possible. Plus sombre que le film de Sfar, Galia avançait néanmoins sur les mêmes terrains de jeux, prenant un tour onirique et cauchemardesque au fur et à mesure des tourments de l'héroïne. Noir, implacable, l'autre référence consciente et avouée du cinéaste jusque dans sa critique sociale. La scène de sexe avec les patrons vicieux est l'une des clés pour comprendre La Dame dans l'auto et le personnage incarné par Biolay... La dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil de Anatole Litvak (1970)Le roman de Japrisot avait été adapté une première fois par Anatole Litvak, un cinéaste d'origine russe passé par l'Allemagne avant de réussir quelques solides séries B américaines. Celle-ci (une coprod seventies) sera scénarisée par Japrisot lui-même. Le résultat n’est pas terrible (trop littéral, trop lisse et trop américain) mais a marqué le cinéma pour deux raisons. Tarantino en a fait l’un de ses films 70’s préféré, et c’est le meilleur rôle de Samantha Eggar (avec L’Obsédé de Wyler). Elle joue ici le rôle titre avec un mélange parfait d’ambivalence, de charme, de menace et d’indifférence. Elle réussit surtout à suggérer à la perfection cet espace fantasmatique où le destin, mystérieux par essence, s’accorde à une personnalité trouble pour se confondre dans une histoire nébuleuse…  Le locataire de Roman Polanski (1976)Petit chef d’oeuvre paranoïaque, La Dame dans l’auto emprunte beaucoup à la bizarrerie existentialiste et kafkaienne de Polanski. Notamment au Locataire où le cinéaste joue un type qui débarque dans un nouvel appartement et devient le jouet des persécutions d’un voisinage envahissant. Le passage génial où le héros gratte le mur de sa cuisine et extirpe une dent du plâtre est une manière de représenter la vie - constamment rattrapée par l’irrationnel - qui a dû marquer Sfar… Sa Dame dans l’auto reprend en tout cas ce qui agite les films polanskiens : qu’est ce qui se cache dans les replis du passé? Qu’est-ce que la culpabilité ? Et peut-on décider de devenir coupable pour échapper au fatum ? C’est le choix que fait Danny (la dame dans l’auto) et qui, du Locataire au Pianiste, obsède les héros de Polanski. Mulholland Drive de David Lynch (2001)Ils sont rares les films où une actrice inconnue se transforme en star. C’est le cas de Freya Mavor qui épouse ici le destin de Danny (passer de la secrétaire passe-muraille à la femme libérée) et, sous la caméra de Sfar qui la dévisage sous un scanner psychanalytique, devient un pur fantasme de celluloid. C’était le cas de Naomi Watts dans Mulholland Drive. L’air de rien, le film avait décidé de la raconter elle, cette fille qui aurait voulu être actrice et qui, tout en jouant, ne réussissait pas à l'être. Comme Sfar, Lynch, plongeait dans un labyrinthe neuronal, et découvrait l’hémisphère schizophrène qui sommeille chez toute comédienne, pour mieux la révéler…. On cite ce film de Lynch aussi (surtout ?) pour son dédale méta. Dans Mulholland Drive comme dans La Dame dans l’auto, il y a des complots, des mondes mystérieux, des jeux de piste et des traversées du miroir. Chez Lynch, c'est Hollywood vu à travers un prisme fantasmatique. Chez Sfar… on ne sait pas trop. La France dans un kaléidoscope ? La Dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil sort le 5 août 2015 en France. Découvrez la bande annonce ci-dessous.