Un Meurtre au bout du monde
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Un whodunit assez efficace mais où ne transpire que trop rarement l’élégante bizarrerie de Brit Marling et Zal Batmanglij. À voir sur Disney+.

Injustement privés d’une saison 3 de The OA par Netflix, Brit Marling et Zal Batmanglij reviennent avec une mini-série à mystère(s) dont personne ne pourra amputer la conclusion. Le génial duo s’attaque donc au murder mystery, genre déjà bien essoré ces dernières années par la télé (Only Murders in the Building, The The Afterparty…) comme le ciné (les Hercule Poirot de Kenneth Branagh, À Couteaux tirés…). Bien consciente de cette position délicate, Un meurtre au bout du monde se distingue en opérant par soustractions et déviations, refusant la satire ou la farce, troquant le stéréotype du détective omniscient pour celui de la hackeuse façon Millénium : on y suit Darby (Emma Corrin, la Diana de The Crown), bidouilleuse informatique torturée et enquêtrice amateure, surnommée la « Sherlock Holmes de la génération Z ». Auteure reconnue après la publication d’un livre racontant sa traque d’un serial killer, elle est invitée à une retraite organisée par un milliardaire (Clive Owen) dans un hôtel high-tech posé au milieu de nulle part. Mais dès la première nuit, l’un des convives décède dans des circonstances étranges…

Emma Corrin dans Murder at the end of the world
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Double trame

La série est traversée par une vision rafraîchissante de nos rapports à la technologie et à l’intelligence artificielle, et surtout du pouvoir qu’on veut bien leur accorder. Et si la quête du tueur en elle-même est assez efficace pour tenir en haleine durant sept épisodes, Marling et Batmanglij lui ajoutent une autre trame sur fond de cold case. Contournant la structure habituelle du murder mystery, ils mettent en parallèle les révélations du présent et les blessures profondes du passé : Darby formait, fut un temps, un binôme de coeur et de travail avec Bill (Harris Dickinson), disparu volontairement sans laisser de traces. Un jeu temporel parfaitement adapté au cadre métaphysique de The OA mais qui n’est pas forcément à l’avantage de ce whodunit à fleur de peau.

Il est toujours un peu cruel de comparer le chef-d’oeuvre d’auteurs à ce qui lui succède, cependant force est de constater qu’Un Meurtre au bout du monde n’a pas le panache bizarroïde de The OA et est dans l’incapacité d’en retrouver la résonance émotionnelle. Si la vision de l’amour chez Marling et Batmanglij a toujours alterné entre le cul-cul et le profondément touchant, elle penche ici dangereusement du côté du sentimentalisme, en l’absence de discours théoriques suffisamment puissants pour contrebalancer.

Un Meurtre au bout du monde, sept épisodes en tout. À voir sur Disney+.