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Ils délivrent enfin ce qu’ils avaient promis depuis le début : une série adulte ultra-violente qui fait du bien par où elle passe. Avec Jon Bernthal, nouvel espoir de l’action dure.

Trois films, réalisés entre 1989 et 2008. Trois interprétations tiédasses et édulcorées du flingueur à tête de mort. Et trois acteurs (Dolph Lundgren, Thomas Jane, Ray Stevenson) étonnamment sous-équipés pour le job, trop soft, pas assez terrifiants, voire carrément à côté de la plaque. Ce qui fait tout de même beaucoup de balles tirées dans le vide... En ce qui concerne Frank Castle, l’ex-vétéran devenu exécuteur public, Hollywood n’a jamais su comment s’y prendre, ratant la cible de quelques précieux centimètres, qui correspondent à peu de chose près aux limites de sa zone de confort. Comment traduire en héros de ciné- ma ce bloc de granit et d’ultra-violence aux méthodes sales et à la bouche cousue? Comment l’approcher en tant que meneur détraqué, hanté par l’assassinat de sa famille et le désir de vengeance, sans lui ôter l’instinct de mort et l’impénétrable folie qui font toute sa saveur ? Comment ne pas faire le « Pleurnicheur » ?


Créé en 1974 par Gerry Conway, John Romita Sr. et Ross Andru comme un antagoniste pour Spider-Man, le Punisher, dans son incarnation BD, n’était pas spécialement destiné à voler de ses propres ailes. Sa popularité inattendue et la vague de violence qui submergea les comics des années 80 firent de lui le « justicier dans la ville » de Marvel (influence revendiquée) ; une figure à part, condamnée par les autres superhéros pour sa propension à tuer, réinventée en zombie soliloquant sous la plume de grands maniaques tels que Frank Miller ou Garth Ennis. Si Hollywood s’acharne autant à tourner autour des aventures de Castle, c’est qu’elle y reconnaît le potentiel d’un thriller d’action urbain, noir et sanguinolent, qui fait du bien là où ça fait mal - possiblement un nouveau Rambo. De toute évidence, il restait quelque chose à faire avec le Punisher.

GUEULE DE TAULARD

À les écouter, les gens de Marvel/Netflix seraient parvenus à résoudre l’équation « par hasard ». Dans la saison 2 de Daredevil, le Punisher débarquait en invité surprise. Sur un coup de casting : Jon Bernthal, la brute hyper-sensible de The Walking Dead, adoré dans Le Loup de Wall Street, enfilait le T-shirt pour le bonheur des fans. Un nez de boxeur, une gueule de taulard à fleur de peau, il était parfait de rage contenue et d’humanité spasmodique. Physiquement flippant. Trapu, menaçant, un amas de muscles et de nerfs mal ficelé, prêt à jaillir... Officiellement, la série Punisher ne faisait pas partie des plans initiaux de Marvel/Netflix ; elle aurait été produite et « streamée » en quatrième vitesse suite à l’accueil réservé à Bernthal.

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Une ruse marketing pour la distinguer du reste du troupeau? En tout cas, ça marche. Visuellement, The Punisher rompt (enfin!) avec les filtres de couleur bon marché et la fausse opulence de ses petites sœurs Marvel. L’image est frontale, très série B, et l’intrigue, empêtrée dans les dossiers noirs de la CIA, regorge d’hommages rigolos à toute une cinématographie hétéro-mâle de pointe (de Luke la main froide à Full Metal Jacket). Tout en restant un soap au budget modeste (positionné à gauche), la série assume pleinement sa griffe adulte dès qu’il s’agit de tirer dans le tas (Netflix devait la lancer le 7 octobre, mais la tuerie de Las Vegas en décida autrement). L’action fait mal. Les cervelles aspergent les murs. La justice est rapide, sauvage et éparpillée. Vous n’aurez d’yeux que pour Bernthal. Sa façon de tenir le shotgun comme un revolver, d’incliner sa tête après un coup de poing ou de découper les aortes en silence. Aucun doute possible : ce type peut démolir n’importe qui et n’importe quoi...

La question de l’acteur était donc bien centrale dans le processus d’adaptation. À une époque pas si lointaine, on pouvait encore imaginer Schwarzy ou Tom Hardy sous l’imper noir de Frank Castle. Mais plus maintenant. Le Punisher a un nom : Jon Bernthal.

The Punisher, de Steve Lightfoot, avec Jon Bernthal, Jason R. Moore, Ebon Moss-Bachrach, en ligne ce vendredi 17 novembre, sur Netflix.